En Janvier 1998, Claude Allègre, Ministre de l’Education Nationale, nomme Edgar Morin comme Président d’un Conseil scientifique ayant pour mission de réfléchir épistémologiquement à une refonte possible de la présentation des savoirs enseignés dans les lycées.
(1) Cette volonté de mise en relation des principes de la pensée complexe avec une visée cognitive de l’enseignement constitue l’ancrage de cet article. De là découle sa composition en deux parties essentielles : l’une appartient à l’histoire des idées et s’attelle à la recherche du “ coeur précieux ” du mode cognitif d’un penseur complexe, recherche fondée sur une déconstruction(2) de certains écrits d’Edgar Morin, l’autre tente de voir s’il est possible de transférer ce type de cognition dans le système éducatif.
Chercher où se situerait la brèche essentielle dans le processus de pensée d’Edgar Morin, brèche à transformer en ouvertures, ouvertures incluant des questions auxquelles il n’est pas possible de répondre à l’aide des seules ressources internes du système de pensée est passible de la “ cour de haute trahison ” et même de double altération puisque son processus de pensée est lu et trahi par autrui. Cependant cette trahison se justifie par le choix de l’herméneutique contre celui d’une lecture quasi-dogmatique. La richesse d’une oeuvre ne se traduit-elle pas dans ses interrogations toujours ouvertes pour de multiples interprètes ?
Sur l’histoire des oeuvres : de la macro-histoire à la micro-histoire (3)
Soit l’on entre dans un tableau diachronique doctrinal dans lequel telle oeuvre ou tel auteur emplit tel chapitre de manière catégoriale et somme toute pérenne, tableau “ prêt à enseigner ” telle ou telle discipline (littérature, peinture, architecture, philosophie, sociologie, psychologie...), et l’on se trouve dans une construction systématique dite “ objectivante ”. Soit l’on tente une micro-histoire évènementielle de telle ou telle oeuvre (tout ou partie), de tel ou tel auteur, en les éclairant à l’aide d’une topique récurrente subjective et interprétative choisie et décidée par la pensée de l’historien comme filtrage essentiel de la compréhension de l’oeuvre toujours plurielle. Dans le premier choix, l’historien demeure rédacteur de synthèses enseignables et académiques ; il demeure “ répétiteur des oeuvres ” en les enchaînant. Dans le deuxième choix, l’historien-questionneur invente une problématisation décalée à partir du repérage d’une ou de plusieurs brèches(4) ) par son mode de lecture qui insuffle vie et altération à tout ou partie de l’oeuvre par ses interrogations.
Edgar Morin dans La Méthode n’étant pas assignable à une discipline mais plutôt à une méta-théorie sur une concaténation de savoirs pluriels et indiquant lui-même deux entrées pour la Pensée complexe, il me semble important de cibler la focalisation sur ces dernières afin d’y deviner quelques enchevêtrements à éclairer puis à questionner.
Les théories propédeutiques pour la pensée complexe et leurs présupposés fondateurs.
Dans La Méthode deux théorisations sont présentes et signalées comme entrées de la pensée complexe :
• la propédeutique pour une pensée non linéaire se trouve être de l’ordre de la théorie de l’information, processus de rétroaction cybernétique, entrée dans la récursivité, sortie de la causalité linéaire pour une causalité circulaire. En tant que rez de chaussée, cela retranscrit fort bien la genèse du processus de pensée de l’auteur lors de ce qu’il appelle dans le livre Mes démons sa “ deuxième réorganisation génétique ” à l’occasion de son travail de recherche dans le Laboratoire Américain du Salk Institut
Mais cette “ réorganisation génétique ” n’est en rien bouleversement paradigmatique. On peut découvrir comme sous-jacent à tout discours tel ou tel paradigme car il témoigne de certains concepts fondamentaux, des catégories maîtresses de son intelligibilité ainsi que des relations logiques entre ces concepts ou catégories. Par exemple, lorsque Bachelard écrit son épistémologie non-cartésienne en vue d’une pensée constructiviste, il s’inscrit toujours dans une philosophie de la représentation où les concepts de sujet et d’objet demeurent présents. Il dit lui-même sa volonté de “ distordre les couples conceptuels de la métaphysique classique, tels réalité/apparence, Etre/non-être, abstrait/concret, vrai/faux, sujet/objet...; cependant les distordre, c’est encore les garder comme fondements même si le sujet influence son objet de connaissance en l’étudiant et perd l’espoir de pouvoir cibler l’essence inaliénable du réel pour n’en pouvoir construire qu’une connaissance dite “ approchée ”. D’ailleurs, certains titres de Bachelard témoignent de son appartenance au rationalisme : Le rationalisme appliqué et Le matérialisme rationnel , titres dans lesquels sa démarche épistémologique se révèle plus être une volonté d’interaction réciproque de l’esprit rationnel du chercheur et de la matière que le rejet de leur existence ou de leur séparation .
Or, dans la théorie de l’information, reprise par Edgar Morin en amont de la construction de sa pensée, les concepts d’espace, de temps et de causalité demeurent présents. L’espace demeure à deux dimensions, même si la ligne se boucle en cercle ; le temps de l’ “ input ” et de l’“output ” ne sont en rien confondus, même s’ils interagissent l’un sur l’autre ; le principe de causalité demeure toujours premier, même si la boucle récursive permet le rebondissement de la cause en effet et de l’effet en cause car ce n’est, ni au même moment du parcours de la boucle, ni dans le même espace-point du cercle. Demeurent donc, sans aucune remise en question, les séparations de l’avant et de l’après, les parcours différents et pluriels du cercle et le principe de causalité.
• cet étage propédeutique dont le principe fondamental est la rétroaction entendue au sens de Wiener, appliqué à la théorie biologique de l’auto-organisation, implique la deuxième entrée de la pensée d’Edgar Morin, à savoir la pensée auto-éco-organisationnelle, fer de lance de la théorie des systèmes complexes.
Quel serait l’historique épistémologique de la systémique complexe ? En premier lieu, le concept de système est héritier du concept de structure. Or, le structuralisme ne s’érige pas contre la théorie atomiste mais privilégie la recherche d’un modèle combinatoire organisationnel des unités isolées afin d’expliquer tel ou tel “ phénomène ” -au sens Kantien-. En second lieu, cette première logique organisationnelle est incluse dans une autre logique organisationnelle, à savoir la systémique. Le concept de “ système fermé ” peut alors être défini comme correspondant à des interactions de structures entre elles, interactions non modifiables par l’environnement dans lequel le système se trouve ; tandis que celui de “ système ouvert ” combine de manière enchevêtrée les interactions internes et leurs modifications dues à l’inclusion du système dans tel ou tel environnement qui rejaillit sur la logique organisationnelle, et ceci de manière indéfinie... Plus ces enchevêtrements d’interactions internes-internes et internes-externes seront nombreux et dépendants de facteurs aléatoires, plus le système ouvert sera dit “ complexe ”.
Tentons maintenant de visualiser cet historique épistémologique, à savoir de la pensée linéaire à la systémique complexe : qu’il s’agisse de points séparés sur une ligne, qu’il s’agisse d’une organisation de ces points en structures, qu’il s’agisse d’organisations plus compliquées de ces structures en systèmes fermés, voire même d’organisations hypercompliquées de ces structures en systèmes ouverts aléatoires et dits complexes, la fondation originaire paradigmatique est toujours empreinte d’un mode de pensée disjonctif et réducteur même si la focalisation du regard s’ancre dans des concepts de plus en plus ouverts. De plus, tous ces modes de lecture organisationnelle sont toujours modélisables et, par ce faire, appartiennent toujours à une philosophie de la représentation dans laquelle tout chercheur construit sa modélisation de telle ou telle réalité complexe , modélisation rétro-agissant sur ce même chercheur -
Et comme tout chercheur exprime dans ses textes son appartenance à un mode spécifique de raisonnement issu de son paradigme originaire, essayons de creuser cette question.
Les résonnances des paradigmes dans les modes de pensée.Tout processus de pensée d’un chercheur participe comme toute activité cognitive de “ résonnances constitutives ” habitant certains modes de raisonnement. Par exemple, un penseur cartésien réside dans une logique constituée de deux substances exclusives l’une de l’autre -res extensa et res cogitans - , ces deux substances finies étant créées par un Etre divin extérieur à elles puisqu’infini (1séparé de 1+1disjoints). Cette logique peut être compliquée comme dans la dialectique platonicienne où la séparation sensible-intelligible se couple avec l’opposition visible-invisible dans un espace autre que celui du Monde des Idées (1+1 fois 1+1 vers 1-à savoir le Cosmos unitaire et harmonique-) ou comme dans les trois moments de la dialectique hégélienne en vue de la réalisation de l’Esprit (2 vers 1-thèse-antithèse vers synthèse- couplée avec 3 vers 1-les trois moments de la dialectique vers la finalité espérée du Savoir Absolu)...
Or, lire les auteurs cités ci-dessus avec ce mode de pensée identitaire et permanent , c’est se référer au paradigme Parménidien : “ l’Etre est, le Non-être n’est pas, le vrai ne peut être faux en même temps... ”.
Les théories propédeutiques, sortes de permissivités d’entrer dans la complexité future d’Edgar Morin, connotées par lui-même de “ rez de chaussée ” de la pensée complexe appartiennent à ce même paradigme.
Alors quelle serait la clef d’ouverture originaire du processus de pensée complexe ? Appartient-elle à un autre paradigme, sachant que la théorie de l’information et la théorie des systèmes ne demeurent que des passages propédeutiques obligés afin d’auto-éco-organiser nos visions trop ponctuelles mais demeurent sous une paradigmatique originaire identique ? Edgar Morin y répond lui même dans un entretien que nous avons eu en mai1996 à Paris : “ seule la pensée dialogique est le coeur de la pensée complexe ”.Tentons donc de l’expliciter.
• la pensée dialogique, aporétique, vivante, indicible et inexplicable où tout système est et demeure en même temps anti-système, où la computation n’est pas jonction-connexion comme dans la langue des ordinateurs mais “fusion/tension” . Si je segmente et tente d’expliquer les contraires dans leur seule opposition , je ne suis plus penseur complexe car je pense alors en logique disjonctive. Si pour lire la récursivité, je m’en tiens à la cybernétique, je n’entends pas la boucle spiralaire et indéfinie qui la “ dépasse de tous côtés ”. Si pour entendre l’hologramme , j’explicite le texte des deux infinis de Pascal en allant de l’infiniment grand à l’infiniment petit et inversement, je perds les fondamentaux du principe hologrammatique complexe puisque je pose les deux infinis comme bornes séparées ...Or, Pascal indique très précisément ce point abstrait de “ fusion-tension ” par le vocable “ entre les deux infinis ”.
Et si enfin, pour entendre la dialectique Hégélienne, je n’entre pas par la dyade dialogique et n’en sors pas en imaginant à chaque niveau de la boucle récursive le point unitaire de résolution méta-théorique comme une dyade déjà oppositive, je n’entends rien à la Dialectique Hégélienne .. Ce mode de lecture renversant sans cesse l’identique singulier dans le non-identique duel est sous-tendu par la mouvance et l’incertitude, principe clé du paradigme Héraclitéen. Mais, plus précisément qu’est-ce qu’un mode de pensée dialogique ?
Le dialogique selon E.Morin : de la dyade à l’“ unitas multiplex ”
Afin d’entendre ce qu’est une dyade, il est nécessaire de remonter à la langue grecque et à son mode de fonctionnement linguistique. Chaque mot exprime en lui deux significations oppositives tenues ensemble car leurs sens opposés ne se comprennent que l’un à partir de l’autre et aussi de l’un vers l’autre : par exemple, techne ouvre en même temps sur l’art et l’artisanat et sur le mot de technique dans sa connotation plus moderne commentée par Heidegger. La plupart des vocables importants s’expriment en faisant coexister sans cesse l’unité et la dyade des opposés. De la même manière afin d’entendre Platon , il ne faut pas le lire uniquement comme un latin qui séparerait l’ombre et la lumière, le visible et l’invisible, les apparences et l’Etre, mais entendre que l’ombre est le reflet de la lumière et ne se définit que par son appartenance et image “ à l’inverse ” de cette lumière, et vice-versa.
Nous sommes donc toujours lorsque nous pensons dialogiquement dans un mode d’aperception qui tient ensemble la lecture séparée et exclusive des contraires avec la lecture immanentiste, réflective et téléologique des définitions des opposés l’un par l’autre. D’où les dyades privilégiées par Edgar Morin : “ ordre/désordre ” et “ continu/discontinu ”... Et l’on retrouve Héraclite qui refuse tout autant l’Un momifié que l’Univers pluriel afin de mettre en exergue le “ perpétuel écoulement de toutes choses par lequel les contraires se renversent ironiquement les uns dans les autres tout en étant conscient que c’est dans le devenir lui-même que se trouvent l’Un et le permanent ”
Cependant, toujours en dialogie, la dyade se compliquera dans d’autres conceptualisations en “ unitas multiplex ”. Cette notion monadique Leibnizienne est héritière de Plotin et de sa lecture de Dieu “ un et multiple tout ensemble ” dans le livre V de la cinquième Ennéade. Le principe d’Héraclite mêle 2 en 1 et 1 en 2 dans leur conflit et habitat permanents. L’“ unitas multiplex ” de Leibniz “ intersection abstraite exprimant l’infinité ” autorise l’immanence de l’infini en 1 en même temps que la singularité originale et monadique. Toute monade ou unité singulière contient en elle l’Univers en l’exprimant spécifiquement car chaque être n’est qu’un éclairage particulier du tout. Bien évidemment les prédécesseurs de Leibniz, à savoir Pascal et Spinoza (Substance infinie/modes) ne sont pas étrangers à ce retour vers Plotin.
Pour entendre la complexité d’E.Morin on ne peut que s’imprégner des dyades héraclitéennes “ ordre/désordre ” et “ permanence/devenir ” en les enrichissant des dyades “ fini-infini ” et “ continu-discontinu ” de l’unitas multiplex . Mais pour vivre sa paradigmatique, il est nécessaire de tenir en dialogie les deux visions du Monde : gréco-latine Parménidienne ainsi que gréco-orientale immanentiste en énonçant les axiomes Pascaliens : “ Le Tout est plus grand que la partie ” et simultanément “ le Tout est moins grand que la partie ”, tout comme “ La partie est plus petite que le Tout ” et simultanément “ la partie est moins grande que le Tout ”. D’où la difficulté, voire l’impossibilité d’une formalisation de cette manière de penser, puisqu’on doit, en même temps penser ces visions du monde comme séparées, complémentaires et susceptibles d’être unies et, en même temps les fusionner . Selon moi, lorsque Edgar Morin dans le tome III de La Méthode tentait une requête de formalisation et d’union des deux paradigmes auprès d’un ami logicien, il revenait en amont de la propédeutique de son propre processus de pensée. Car, il écrit assez souvent : aucune traduction formelle ne peut rendre compte de ce “ Tout indicible et conflictuel ”. La pensée complexe ne peut être modélisée, c’est un “ défi ”, une “ attitude ”, expressions rappelées fort souvent dans les débats des Journées Thématiques en 1998 à Paris .
Etre un penseur complexe selon Edgar Morin, c’est savoir simultanément “ computer ” et “ cogiter ”. La “computation” est entendue autrement que dans le langage informatique ; il s’agit de “fusion-tension” en raison de la dyade unitaire et oppositive. Quant à la “ cogitation ”, elle rappelle l’“ unitas multiplex ” : “ conception de l’unité dans le divers et le multiple et simultanément conception du divers et du multiple dans l’un ”
Et si un philosophe se reposait la question “ comment comprendre la complexité ? ” il répondrait : par les aperceptions simultanées et de la dialogie (incarnée dans les apories de la connaissance présentes chez Pascal, Leibniz, Nietzsche tout comme dans la vie des grands mystiques comme Thérèse d’Avila et Saint Jean de La Croix), et de la réflexivité du cogito cartésien , “idée de l’idée” en entendant par “ idée ”, l’“ idée du corps ” comme Spinoza .
Premier questionnement et première brèche :
Pourquoi trois principes de la pensée complexe alors qu’un seul d’entre eux, le dialogique, serait à l’origine et au coeur du processus de pensée complexe ? Cette brèche se situerait dans l’enchevêtrement d’une propédeutique énoncée à l’aide de deux principes, la récursivité et l’hologrammie (encore lus de manière non complexe afin de sortir de la pensée linéaire), et de la pensée complexe s’ancrant dans la dyade et la monade.
Trois interprétations de lecture d’Edgar Morin demeurent possibles :
• Soit on lit les principes de la récursivité et de l’hologramme de manière figurée et ils demeurent alors des principes didactiques de mise en doute d’une philosophie par trop linéaire. Le cercle opère une première transformation de la droite en la fermant. L’hologramme, figuré par des droites et des points nous réclame, afin d’être compris, d’être vu de manière géométrique mais aussi sous forme métaphorique par la projection des points et des droites en des “ points abstraits ”; d’où la permissivité d’“ approcher ” de manière non complexe le dialogique par cet exercice.
• Soit l’on s’en tient aux précisions données parfois par Edgar Morin lui même et on irrigue la récursivité et l’hologramme de visions dialogiques. Comment ? La récursivité serait dans un même temps, “ cybernétique ” avec l’exclusion réciproque de l’entrée et de la sortie dans leur mouvement circulaire, et “ roue des contraires ” dans un mouvement spiral de génération des états contraires - reprise d’un thème pythagoricien indiqué par Platon dans la première partie du Phédon : par exemple, toute chose passe du chaud au froid et vice versa mais en n’oubliant pas que ce devenir exige un sujet unitaire du devenir-. D’ailleurs la lecture Morinienne de la dialectique Hégélienne retranscrit cette circularité, spirale indéfinie de méta-niveaux en méta-niveaux en s’intéressant plus à la dialectique des “ ruses de la Raison ” qu’à la “ Réalisation de l’Esprit Absolu ” comme finalité de la Phénoménologie de l’Esprit .
L’hologramme se doit lui aussi d’être tenu comme figure géométrique et en même temps comme conceptualisation de l’immanence du fini et de l’infini....Mais en ce sens aucune théorisation ne pourrait se réclamer de la Pensée complexe, pas plus le connexionisme des neuro-sciences que la systémique complexe car ils n’habitent pas en dialogie...De nombreux auteurs se disant moriniens seraient alors fort déçus par cette interprétation.
• soit encore l’enchevêtrement de ces deux modes de lecture souvent exprimé comme construction de son processus de pensée par Edgar Morin dans La Méthode : en amont, propédeutique des principes lus de manière non complexe puis énoncé du principe dialogique afin d’entrer dans la complexité, et enfin le principe dialogique irriguant les deux autres principes pour penser la complexité.
Evidemment, cette brèche entre trois principes ou/et un seul irriguant les trois peut s’ouvrir vers d’autres lectures et chaque lecture sur d’autres “ pensées vivantes ”.
Des difficultés de transfert héritées de cette brèche : aperception, enseignement et langage.
Tout transfert d’une théorisation vers l’enseignement s’inscrit dans une dualité et ambivalence sémantique : transfert comme simple déplacement d’un lieu à un autre, transfert comme transposition et transformation, transfert comme trahison voire même parfois oubli.
On ne peut s’interroger sur le transfert des principes de la pensée complexe sans rappeler la définition du transfert d’apprentissage donnée par Michèle Genthon dans son habilitation “ notion entre apprentissage et cognition, entre savoir et sens ”, “ véritable jeu ”, “ outil de transformation ” lié à la conscience des brèches en ouvertures, voies de passage et de dépassement. Le transfert s’alimente ainsi d’un jeu conjoint d’élucidation et de problématisation, de processus internes et externes qui se contrarient tout en se générant mutuellement.
Les difficultés demeurent l’aperception de la dialogie et la possibilité de son enseignement compréhensif sachant que notre mode de représentation véhiculé par le langage est d’ordre distinctif. Si l’on entre par notre langue sous-tendue par des modes de pensée disjoints, qu’ils soient simples (2 séparés de 1) ou croisés (2 fois 2 séparés de 1) et si l’on complique leurs croisements grâce à de nombreux exemples, on demeure dans un mode de pensée de l’hyper-complication...Si l’on entre par la logique inclusive grâce à certains modèles philosophiques et mathématiques, on pourra plus facilement revenir à l’“ imprinting ” de la pensée exclusive, mais on n’aura pas forcément permis le mode de pensée dialogique devant simultanément “ séparer/unir ” les opposés et les “ définir/finaliser ” l’un par l’autre dans une “ fusion ” unitaire non-oppositive.
Alors, comment faire entendre la “ fusion-séparation ” des principes et des logiques à ceux qui poseraient séparés et seulement séparés puis réunis les deux modes de pensée. D’ailleurs, la langue française permet-elle la transcription de la pensée complexe ? Edgar Morin dans ses écrits tente toujours d’inscrire les sens contraires dans deux morceaux de phrases oppositives ; malheureusement, le lecteur demeure face à un discours linéaire, composé de mots, de phrases et de paragraphes séparés!...Ce mode de fonctionnement non dialogique de la langue française autorise tous les contresens, incompréhensions et trahisons exprimées chez plusieurs interprètes par les seuls vocables de “ pont ”, de “ liens ”, d’“ unions, d’“ articulations ”, de “ complémentaires ”... Certes ces vocables, parties prenantes de la logique disjonctive, sont présents dans le premier morceau de telle ou telle phrase du discours morinien afin de témoigner d’une aperception de la dialogie mais ils sont toujours suivis de l’aperception de la logique inclusive dans le deuxième morceau de la phrase, morceau souvent précédé des expressions “ en même temps ” ou “ simultanément ”. Malheureusement, les lecteurs ne retirent de leur lecture que la première aperception, à savoir celle du mode de pensée exclusif dans lequel leur “ vision du monde habite ”.
Alors n’aurait-il pas mieux valu afin d’éviter ces confusions transcrire plutôt le discours de la complexité sous forme d’“ aphorismes ” ouvrant plus vers l’imaginaire d’une lecture plurielle d’“ unitas multiplex ” et aussi vers cette “ rationalité irrationnelle ” dont Héraclite, Pascal, Nietzsche et Valéry sont porteurs ?
Vers l’enseignement d’un “ cogito complexe ” par l’école ?
Afin d’entrer dans cette visée, il serait nécessaire de comparer les convergences et divergences de ce “ cogito complexe ” des deux auteurs ayant le plus discuté sous forme d’entretiens à propos de l’éducation et de la complexité, à savoir Jacques Ardoino et Edgar Morin de 1982 à1999. Leurs convergences sont nombreuses : la nécessité de la pluralité hétérogène des regards et des changements d’échelles et de perspectives, la volonté de s’inscrire dans l’évolution historique des sciences, la lecture de ces dernières avec la prise en compte de l’implication du chercheur dans son objet de connaissance à partir d’une interprétation personnelle toujours “ contextualisée ” ainsi que le rejet de toute discipline à visée uniquement réductrice et simplificatrice car elles ne rencontreraient jamais l’homme sous forme de scientificité et de rigueur. Même si un débat entre l’emploi du vocable de “ multidimensionnalité ” choisi par Edgar Morin et celui de “ multiréférentialité ” choisi par Jacques Ardoino s’instaure entre eux, il est rapidement clos par Edgar Morin lui-même dans l’entretien sur la culture technique en écrivant que ce qu’il entend par multidimensionnalité est ce que Jacques Ardoino intitule multiréférentialité . D’ailleurs Edgar Morin lui-même se servira en mars 1998 du vocable de “ multiréférentialité ” au cours de la Journée thématique “ Relier les connaissances ”.
Ils semblent aussi partager lors des derniers entretiens la nécessité du métissage ainsi que la vision hégélienne du travail des contradictions de la pensée dialectique comme méthode d’apprentissage réflexif en vue d’une inquiétude permanente de la tendance à la rationalisation sans ne vouloir jamais habiter dans un essai de réalisation optimiste teilhardiste de la rationalité achevée des idéalistes .
Pluriréférentialité, constructivisme, contextualisation, métissage, travail des contradictions et inquiétude volontaire de tout durcissement paradigmatique sembleraient donc être les devises de tout entraînement scolaire à un “ cognitif complexe ” selon ces convergences. Somme toute une école quasi-Bachelardienne, une sempiternelle question de “ psychanalyse de la connaissance ” enrichie d’une méthode dialectique Hégelienne.
Néammoins, des divergences se profilent au cours de nombreux entretiens et il me semble que la racine de cette séparation théorique résiderait dans un esprit plus physico-sociologique d’Edgar Morin contre un esprit plus psycho-sociologique de Jacques Ardoino. Par exemple, l’interaction dans la pensée de Jacques Ardoino ne peut s’enraciner dans une théorie informationelle et n’est en rien présentée sous forme de ligne bouclée : elle demeure rencontre dans le monde humain de l’altérité.
En ce qui concerne la cognition, le “ coeur ” de leur différence théorique résiderait dans leurs modes de pensée : plus dialogico-dialectique pour Edgar Morin, plus dialectico-clinique pour Jacques Ardoino. Dans tous ses textes, Jacques Ardoino a la volonté de distinguer le compliqué ou l’hyper-compliqué du complexe, la combinatoire systémique et la pensée complexe, l’espace et la temporalité. Or, Edgar Morin les distingue et les tient dialogiquement ensemble. Plusieurs de ses réponses nous l’indiquent : par exemple, dans l’entretien à propos de la culture technique -p 47- il convoque et tient ensemble “ l’idée d’espace-temps comme complexification ” ce qui s’oppose à la vision homogénéisante de l’espace toujours condamnée par Jacques Ardoino. D’ailleurs, ce dernier n’inscrit-il pas souvent les Leibniziens dans une épistémologie combinatoire hyper-compliquée et donc non complexe ? Sa critique de l’image du labyrinthe de Jacques Attali va dans ce sens. Or, Edgar Morin rappelle le refus d’une définition univoque de la complexité car si pour lui, le compliqué n’est pas encore complexe, il demeure inclus en tant qu’hyper-compliqué dans la complexité ce que refuserait Jacques Ardoino. Pour illustrer ce propos, les dernières pages de l’entretien sur la culture technique : “ il y a plusieurs avenues qui mènent à la complexité dont celle qui comporte la non-élimination du hasard, des aléas, des dialogiques -l’union en un de deux principes qui sont pourtant contradictoires-dans le vivant ” - Edgar Morin -.
De même le rappel sempiternel de la notion Leibnizienne d’“ unitas multiplex ” s’oppose fondamentalement à la valorisation du seul hétérogène et à l’abandon volontaire de la notion d’unité entendue comme homogénéïsante et substantialiste par Jacques Ardoino. Alors cet auteur aurait-il voulu oublier d’entrer dans les dialogiques continu/discontinu, ordre/désordre, unité/pluralité...? Ses visions plus cliniciennes quant à la compréhension des contradictions l’auraient-elles incité à privilégier le désordre, le pluriel, le discontinu, l’hétérogène et la temporalité ? Selon Edgar Morin, être un penseur complexe, c’est habiter simultanément dans la philosophie de la représentation-pensée séparatiste- comme dans la philosophie panthéïste-pensée de l’immanence cosmique-. Or, Jacques Ardoino en raison de son enracinement dans la psychologie sociale est profondément convaincu de ce que le panthéïsme noie le sujet dans le monde et refuse donc la vision des penseurs tels Plotin, Spinoza, Leibniz car selon lui, ils privilégient l’Un et ont une volonté quasi-totalitariste de substantialisation ultime tandis qu’Edgar Morin les lit dialogiquement : l’Un est en même temps autre chose que le pluriel mais simultanément constitué par lui-même, de même la monade est “ sans porte ni fenêtre ” séparée de toutes les autres monades et en même temps expression d’elle-même, de toutes les autres monades et du cosmos dans sa totalité sans aucune séparation de l’Un et du Multiple.
De plus, la notion de “ méta-théorique ”, niveau supérieur de résolution des contradictions, souvent élucidé par Edgar Morin comme point impermanent d’aboutissement, organisation moins complexe que son niveau originaire de conflit/non conflit dialogique est une notion complètement absente du discours de Jacques Ardoino.
Si le besoin de l’intersubjectivité impliquant le jeu des subjectivités et le développement du sujet présentés comme “ altération, trahison ” par Jacques Ardoino et comme “ auto-hétéro-formation ” par Edgar Morin demeurent la condition sine qua non de la formation de tout individu pour chacun de ces auteurs, leurs visions demeurent différentes, voire autres. Jacques Ardoino insiste plus sur la nécessité de la mise en relation conflictuelle, l’introspection à la manière de Montaigne ou le connais toi toi-même socratique, quels que soient leur intérêt par ailleurs, demeurent naïfs et insuffisants pour ce clinicien tandis qu’Edgar Morin privilégie plus naturellement l’auto-didactie, l’hétéro-formation n’intervenant que pour une mise à distance critique.
Ces divergences nous permettent d’apercevoir qu’un penseur complexe se doit d’être entraîné tout autant à la pensée dialectique-débats contradictoires et essai de résolution méta-théorique synthétique - qu’à la pensée dialogique -logiques séparatiste et non-séparatiste -, au travail de “ psychologie inventive de la conscience interne ” - Husserl - tout autant qu’à l’ intersubjectivité et à la problématique de la communication/non-communication des consciences.
Tenter d’approcher un “ cogito complexe ” dans le système éducatif pourrait permettre de répondre aux difficultés des élèves en cultivant une sorte de fluidité cognitive à visée constructrice de leurs modes de pensée et à visée compréhensive de leur monde. L’enseignement des cohérences disciplinaires dans leur spécificité, leurs éclairages et leurs modes de rationalisation particuliers seraient alors mieux appropriés car situés plus explicitement.
Il me semble important de lutter contre deux idées fausses : l’intrusion de l’épistémologie complexe comme réflexion sur les savoirs à enseigner, sorte de “ rationalité irrationnelle ”, serait en premier source de confusion et en second manière d’évincer les contenus précis des disciplines. Les parties prenantes de l’approche d’un “ cogito complexe ” à l’école ne sont aucunement ennemis ni des expertises, ni de la méthode de raisonnement analytique puisqu’ils l’incluent dans un mode de cognition dialogique.
Forts de la déconstruction précédente et de l’aperception de la nécessité d’une pensée dialogique pour entrer en complexité, quelles sortes de transferts pourraient être inventés par le système éducatif ? Tout exercice éducatif permettant de tenir ensemble deux langages ou systèmes d’interprétations opposés tels le mécanisme et le finalisme, la logique classique et la littérature, l’algèbre comme symbolisation abstraite et la géométrie comme figuration spatialisée, le discours argumentatif et la poésie, l’allégorie et l’idée, l’exercice conceptuel et l’exercice corporel... Ces jeux ne devant pas s’inscrire en partant de l’un ou de l’autre mais en les faisant travailler simultanément et dans leur “ renversement ironique de l’un dans l’autre ”. Leur distinction n’étant éclairée qu’après, afin d’inscrire le mode de pensée dyadique. Bien évidemment, ces entraînements ne doivent pas apparaître comme secondaires par rapport aux exercices disciplinaires, sinon l’on insufflerait la prééminence de la pensée disjonctive et on irait à l’encontre de la visée recherchée.
Afin de donner un exemple concret concernant la logique et la lecture, on pourrait comme je l’avais proposé en 1991 dans une revue de Recherche juridique - P.U.F Aix-Marseille - dans un article intitulé Logique du discours avoir pour consigne de coder les unités d’énonciation ou actes de langage du texte en catégories logiques dont la formalisation aurait été préalablement appropriée. Cet outil couplant un codage abstrait de certains morceaux de discours a pour corollaire une lecture compréhensive et synthétique du texte tout en permettant l’analyse séparée des unités de sens pour opérer le codage. L’analyse et la synthèse sont visées séparément et ensemble ; séparément puisque l’on se doit de repérer les unités d’énonciation, mais ensemble car les unités de sens sont déjà des synthèses à catégoriser ; c’est ensemble que les catégorisations logiques permettent de comprendre ce que le texte veut dire, mais ce sens dépend de leur organisation séparée. La logique et la lecture s’interpénètrent dans une visée compréhensive d’un discours.
De même, afin d’éclairer l’unité sous la pluralité et le pluriel sous l’unité, deuxième entrée dialogique, toutes les thématiques conviennent. Que l’on parte de l’“ objet global ” monde, vie, terre, histoire... illustré et explicité par toutes les disciplines s’y référant, ou que l’on travaille les diverses connotations d’un simple mot selon les disciplines ou encore les interprétations plurielles d’un même texte, on formera un esprit “ multiréférentiel ” - J.Ardoino - . Mais pour que l’apprenant entende l’“ unitas multiplex ”, il faut lui faire comprendre que toutes les langues disciplinaires ne sont qu’un éclairage parcellaire de ce même “ objet global ” qui est tout ce qu’elles en disent de manière non séparée, que toutes les interprétations de ce texte sont ce même texte...
Il faudrait aussi enseigner en même temps une manière de penser panthéïste et atomiste. Le simple étant connu, pour les plus jeunes, l’image du Big Bang, déflagration originaire d’un cosmos unitaire permettrait d’entrer dans la logique de l’immanence, et certaines pensées mythiques ou allégoriques imageraient le “ tenir ensemble ” des deux modes de pensée. Pour les adolescents, l’enseignement de l’hologramme serait plus approprié, de même que les philosophies s’y référant.
Faisant confiance à l’inventivité des enseignants afin de jouer de ces deux voies princeps, la dyade et l’“ unitas multiplex ” pour permettre un “ cogito complexe ” quelles que soient leurs entrées disciplinaires, collectivement ou/et séparément, l’école peut tout à fait tenter d’éclairer, sans tout réformer, ce mode de pensée. Et ces travaux à l’intérieur du système éducatif seraient un apport important pour les interactions compréhensives des sujets humains et du monde dans lequel ils s’inscrivent.
Cet article reprend quelques passages de la communication pour le Colloque de l’Unesco à RIO.1998 -Atelier “ La Pensée Complexe”
C PEYRON-BONJAN, Professeur des Universités-AIX-MARSEILLE II-
Directeur de recherches au Laboratoire C.I.R.A.D.E.-Université Aix-Marseille I
1 Le Ministre me nommait en même temps comme membre du Conseil scientifique et me chargeait de mission
auprès du Président de ce Conseil scientifique.
2 le coeur ne pouvant s’enraciner que dans une brèche ou une faille.
3 Ce paragraphe est héritier de la rédaction par Gérard LEBRUN de la conclusion du livre “ Devenir de la
philosophie ” du tome III de Notions de philosophie sous la direction de D.Kambouchner publié chez Gallimard en
novembre 1995. On ne peut éviter de rendre hommage à cet historien de la philosophie, malheureusement disparu
le 10 Décembre de cette année 1999 et sans lequel tous ceux qui ont eu la chance de l’avoir comme maître et
professeur de philosophie à l’Université en France ou au Brésil ne seraient pas aujourd’hui ce qu’ils sont.
4 les philosophes de la déconstruction l’intitulaient “ faille ”.
5 l’interaction n’évite pas la séparation du savant et de son objet de recherche ; pour cette raison, le constructivisme
habite encore la philosophie de la représentation.
6 du point sur un vecteur à une organisation de vecteurs, puis à une organisation d’organisations de vecteurs, puis à
une organisation aléatoire et toujours mouvante due aux interactions des organisations des organisations de
vecteurs...
7 complexe est pris ici dans le sens ordinaire de la langue française et pas dans son sens épistémologique morinien.
8 cf Le Moigne La Modélisation des systèmes complexes -.
9 cf Peyron-Bonjan in “ Le sujet : mythe et en -jeu de l’éducation ” in Actes du Colloque de l’A.F.I.R.S.E. 1997 à
Rabat-Maroc.
10 substances séparées dont l’ union s’opère topologiquement chez l’être humain dans la “ glande pinéale ”.
L’imginaire à propos de cette glande demeure encore vivace aujourd’hui (cf les expériences ayant permis
l’invention du produit appelé mélatonine).
11 Il existe cependant, d’autres modalités de lecture des auteurs (logique immanentiste et inclusive, couplage des
logiques exclusives et inclusives...) certains auteurs s’y prêtant mieux que d’autres. Pour ne prendre qu’un exemple
la lecture de Descartes par Husserl dans les Méditations cartésiennes focalisant sur le doute et le cogito
n’appartient pas au même logos que la lecture insistant plus sur le Discours de la Méthode et la pensée analytique.
12 cf Pratiques de Formation -Analyses- Paris VIII- Janvier 2000-
13 reprise d’une métaphore trouvée pour une communication au colloque M.C.X 1997 à Poitiers et acceptée par
l’auteur : “ cette métaphore aide si l’on songe à la fois à la f usion et à la tension et à condition de savoir
intégrer l’opposition de ces termes ”
Le signe / se voudrait signe du dialogique (impossible à représenter car la barre suggère plus la séparation
que la séparation/non -séparation pensées ensemble).
14 je préfère les vocables d’opposés et de contraires plutôt que de contradictions car ce dernier demeure trop connoté
par la logique des propositions.
15 “ Wiener a fait émerger la notion de boucle, mais la notion de récursivité en son sens complexe dépasse de tous
côtés la cybernétique... ” cf Entretiens 1996, op cit, E.Morin.
16 cf Morin : “ je loue Pascal d’être dialogique...ceux qui sont dans le principe hologrammatique non complexe ,
ce sont tous les tenants de l’analogie du microcosme et du macrocosme . Or cette idée est excellente mais possède
un défaut : pour elle le microcosme est le miroir du macrocosme mais elle oublie l’hologrammie : c’est que le point
est singulier tout en ayant en lui le tout. ”
17 quoique ce mot puisse être entendu dans son sens habituel ( entre deux choses séparées) et non de manière
Pascalienne.
18 souvent dans les textes d’E.Morin on trouve cette appellation de la dialectique en lieu et place de la dialogie mais
c’est parce que sa focalisation de la dialectique Hégélienne est le renverseme nt des opposés l’un dans l’autre à
chaque moment de la dialectique, car même à l’intérieur de chaque point méta -théorique de résolution synthétique
se joue une autre dialogie ( cf op cit, Entretien IV discussion sur Hegel avec C.Peyron -Bonjan).
19 contrairement à son enseignement en classe de terminale qui reflète la logique indiquée dans le paragraphe
précédent, logique dépendante du mode de pensée parménidien.
20 cf E.Morin in op cit Entretien IV avec J.Ardoino et C.Peyron -Bonjan le 20 juillet1997 : “ la dialogie maintient
ensemble la complémentarité des antagonismes et les antagonismes des complémentarités. Alors si ceux qui me
lisent n’entendent pas ensemble, c’est qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas entendre et leur univers m’est
étranger ”
21 cf M.Piclin Les philosophies de la triade , Paris, Vrin, 1980.
22 “ point abstrait ”, singulier, reflétant le tout et les autres singularités à sa manière unique, mais en même temps,
intersection non figurée de toutes les multiplicités, explicitera Leibniz.
23 le vocable “ fusionner ” reprend la métaphore “ fusion-tension ” mais ne doit être entendu ni comme confusion,
ni comme mélange, plutôt simplement comme non séparé.
24 Lors de sa nomination par le Ministre de l’Education nationale comme Président du Conseil scienti fique pour la
mission : “ quels savoirs enseigner dans les lycées ”
25 par le choix de l’ expression d’E.Morin, j’essaie de dépayser le lecteur et de retranscrire l’indicible dyade tel
qu’il la définit : “ perception du différent dans le même et perceptio n du même dans le différent ”-cf Méthode III
p.117-. Il ne faut surtout pas le lire avec son sens technologique américain.
26 tous les titres des tomes de La méthode en témoignent : la nature de la nature, la vie de la vie, la connaissance de
la connaissan ce...
27 en raison du parallélisme des deux attributs que nous connaissons : l’étendue et la pensée.
28 monas = unitas multiplex .
29 cf op cit Deuxième Entretien Morin, Ardoino et C.Peyron -Bonjan 1995.
30 le “ transfert ” se nourrit justement de l’idée de brè che dans le système de pensée entendue selon Gödel et Tarski.
31 E.Morin m’avait répondu lors du quatrième entretien le 20 juillet 1997 : “ il faudrait effectivement se résoudre à
ne plus rédiger sous forme de discours organisés ” -op cit
32 n’apercevant pas dans ce terme la dimension de l’espace géométrique que lit fort justement Jacques Ardoino.
33 cf op cit, Entretien IV du 2O juillet 1997.
34 Lors de la nomination d’Edgar Morin comme Président du Conseil scientifique ayant pour mission de réfléchir
sur les savoirs à enseigner dans les lycées, certains enseignants ont interprété cela comme une volonté de supprimer
les contenus disciplinaires, et par voie de conséquence leurs postes!...
35 Cf le livre “ Relier les connaissances ” Seuil 1999 retranscrivan t les Journées Thématiques organisées par
E.Morin avec comme collaborateurs pour ce livre M.Mukungu et C.Peyron Bonjan.
36 Là est un des points de divergence dans les nombreux entretiens entre E.Morin et J.Ardoino : E.Morin renvoie
toujours dans les discus sions à J.Ardoino qu’il faut penser l’unité sous l’hétérogène, alors que J.Ardoino semble
privilégier la pluralité, la diversité et ne pas la penser dialogiquement comme “ unitas multiplex ”-cf paragraphes
précédents de cet article -
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