Epistémologie et Complexité- vidéos, colloques, articles

VERS UNE NOUVELLE HEURISTIQUE

De l’empirie à l’épistémè et de l’épistémè à un essai méthodologique en Sciences de l'Education par Christiane PEYRON-BONJAN 1994


Cette note de synthèse a pour vocation de me permettre de refléter mon processus de recherche souvent bousculé par des intérêts pluriels (Première partie). Consciente de l’altération due à l’écriture, à l’inscription temporelle, et à l’implication de tout chercheur, je m’y employais cependant (A,I). Au début, un commentaire de mon parcours de carrière me permettait de rassembler certains points essentiels et d’imaginer une "visée probable de mon projet éducatif" (A.II).
Afin de m’impliquer aussi dans la méthode de recherche choisie, je décidais de partir de "l’empirie" ; malgré la boucle récursive entre "l’empirie" et l’"épistémè ", cette entrée dans la recherche évitait au moins la tendance naturelle à la rationalisation de tout esprit élevé dans la langue de
Voltaire !… En outre, les présupposés Humiens semblaient me convenir (au sens fort du mot latin "convenium ") (A.III). J’en héritais les titres "Le théâtre des impressions" (B) et "Le miroir des réflections" (C). Mon histoire dans sa vivance laissait émerger la prise de conscience d’une première intentionnalité : vouloir inscrire mes "habitus ", ma posture philosophique dans la thématique de l’éducation, alors que le miroir aux reflets "récurrents et à venir" du chercheur ne se figeait jamais sur telle réflection du processus de recherche ou telle autre, et rebondissait d’images de réseaux en autres images de réseaux de manière indéfinie. En contrepartie, ma posture s’affirmait ; d’où l’intention générale, coiffant l’ensemble des travaux , de tenter d’apporter un regard philosophique sur les thématiques et problématiques de l’éducation (articles et communications diverses (III). Il semblait important de réinscrire les sciences humaines et tout particulièrement les Sciences de l’éducation dans le "logos" et l’"épistémè "(Deuxième partie A,I), sous peine qu’elles n’encourent le risque majeur de s’appauvrir en oubliant leurs fondements. Je m’attachais donc à la thématique de la connaissance et, plus précisément, aux "âges"épistémiques des Sciences de l’éducation (A,II) et à certains de leurs paradigmes.
L’"épistémè " réclamant une recherche plus approfondie et non encore "aboutie", je me réinterrogeais plus modestement sur la question du processus de connaissance de tout individu ; cette question m’apparaissant comme le centre de toute éducation potentielle (B). Réexaminant les fondements philosophiques de ce processus, je rappelais les trois apories fondamentales des théories de la connaissance classique (B,II) ; alors, pour ne pas sombrer dans l’amertume nihiliste, j’envisageais les fondements implicatifs d’une recherche à venir (B,I) fondée sur mon processus de "co-nnaissance", puis me dirigeais vers l’invention d’une "méthodologie bricolée" à partir de mes implications théoriquement antithétiques visant le projet d’une école autre pour des citoyens libres (C).
Cette implication dialogique, dynamique et conflictuelle du chercheur ne serait-elle pas le moteur de tout processus de recherche et de tout processus de connaissance ?
N.B. Nos travaux de référence consignés dans les quatre annexes sont cités dans le texte par numéros (en caractère gras entre parenthèses). La liste des travaux figure dans le document intitulé Annexe * (de plus, des sommaires de ces travaux sont placés en tête de chaque annexe).

PREMIERE PARTIE SUR LE PROCESSUS DE RECHERCHE

En guise d’introduction, le chercheur essaiera de s’interroger sur le ou les sens à retenir pour sa définition d’une "note de synthèse pour l’habilitation à diriger des recherches", puis, convaincu de son ou ses implications dans ses intentions de recherche, se risquera à les éclairer, pour autant que ce soit réalisable par lui-même, et montrera sa lecture de la temporalité inhérente à toute écriture.
Tout postulant à cet exercice rencontre immédiatement plusieurs questionnements :
• Devra-t-il expliciter et dérouler l'enchaînement de ses "tâtonnements" tout au long de sa vie de chercheur ? Sans en omettre aucun, par honnêteté intellectuelle, il reconstituerait alors la ligne évolutive "abstraite" de ses analyses en profondeur de chaque étude ponctuelle afin de dégager une ou plusieurs trajectoires de recherches. Il postulerait alors la continuité de son existence de chercheur habitée par un ou plusieurs axes de développement. Bien évidemment non, puisque les instructions officielles précisent qu'il s'agit d'une "note de synthèse" et non d'un tracé évolutif, même à plusieurs courbures.
• Devra-t-il entendre la "note" au sens canonique d'explicitations courtes et ramassées de ses productions ou au sens de sa note, c'est-à-dire de son implication ? Dans la première acception, la rédaction deviendrait fortement "impressionniste" et éviterait toute possibilité d'entendre le processus de recherche : tous écrits ou travaux étant commentés dans la singularité du moment de leur écriture comme ce fut le cas dans mon livre : "Pour l’art d'inventer en éducation"(1). Dans le second sens de lecture de soi par soi, on entrerait dans l'"auto-analyse", concept illusoire, voeu pieu… La visée de cette note est cependant de permettre à autrui, la lecture de "son" ou de "ses" processus de recherche. Or, cette visée est par avance doublement trahie : trahie par l'écriture et l'implication du rédacteur ; trahie par la lecture "d'autrui"(2) et leurs "altérations".
Tout en sachant ou n'apercevant pas ses oublis volontaires et involontaires, le chercheur se décodera de manière "récurrente" (BACHELARD, 1934)(3) afin de reconstituer en écrits linéaires ces lignes brisées "d'obstacles" et de "coupures épistémologiques" (BACHELARD, 1938)(4).
• Devra-t-il retrouver ces lignes ou découvrir des "points de bifurcations" (THOM, 1972)(5) afin d'approcher le tout du processus de recherche dans ces points cruciaux, véritables "monades" du processus (LEIBNIZ, 1714)(6) ? Il ne pourra éviter cette lecture récurrente Bachelardienne afin de repérer les points de ruptures, certain de l'artifice de ces apparentes lignes de forces et de son implication inévitable dans le "dire des bifurcations". Or, "radiographier" dans un moment précis le "curriculum vitae " et l'expliciter, cela est-il possible ? "Opérer des connexions" de tels et tels travaux, connexions inexistantes lors de l'éparpillement temporel de leurs réalisations, cela est-il sérieux ? Repérer des points de fractures conceptuels ou des glissements de champs de réflexion, cela est-il réalisable sachant l'importante pression externe du curriculum sur certains d'entre-eux ? Retrouver et dégager les axes fondateurs alimentant les processus de recherche à l'oeuvre plusieurs années durant, à l'occasion d'un simple moment d'écriture, cela n'est-il pas empreint originairement de facticité ? Mais, n’oublions pas aussi l’autre trahison, celle des lecteurs, due à leurs différentes visions du monde, leurs différentes implications..., somme toute, leurs "altérations " (ARDOINO, 1974)(7).
• Sera-t-il possible, pour approcher cet exercice de synthèse, d’écrire des "visions englobantes" des lectures récurrentes? Ces "méta-regards" seraient appliqués sur des connexions construites par l'implication actuelle du chercheur. Ils ne diraient que les positions des méta-angles de vision contractant dans l'instant "x", à savoir l'année 1994, le "Passé, le Présent et le Futur" pour le moment de l'écriture. Le chercheur n'a jamais regardé les choses ainsi ; il ne les reliera jamais de cette manière après… L'art de la synthèse du deuxième niveau d'appréhension de l'exercice, à savoir métisser les "yeux au-dessus des travaux" avec les "sentiments et affects du dedans" du chercheur et "au-dedans des événements" écrits auparavant, semble empreint de quelques difficultés sur lesquelles nous reviendrons tout au long de cette note.
Quant à l’analyse étymologique du vocable "habilitation", elle permet deux précisions. Le mot est d'origine allemande "habilität "(8) ; par le suffixe "tion", le terme connote la dynamique du "chemin qui se construit en marchant" (MACHADO)(9). Sa racine, elle, véhicule une coloration institutionnelle Fayolienne où des penseurs déjà "habilités" liront le mouvement du "désir de re-connaissance" du postulant. Le terme est précis. Il reflète le passage obligé d'un "disciple" lu par ses "maîtres", au sens antique, ou par ses "modèles", au sens "charismatique" (FERRY, 1970)(10) . Habilitation, épreuve de reconnaissance institutionnelle pour l'impétrant, mais aussi accession au statut de "directeur de recherches" ; directeur étant compris comme accompagnateur, guide, stimulateur d’autres chercheurs. Tel fut mon directeur et il me semble impossible de pouvoir entendre cela autrement... Revenons aux points évoqués en introduction, véritables prémisses de toute écriture : la temporalité et l'implication du chercheur, l'explicitation de son parcours de carrière et le choix de ses référentiels de réflexion précédant sa méthode d'exposition pour son processus de recherche.

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A - PROLEGOMENES DE LA RECHERCHE

I - TEMPORALITE ET IMPLICATION (III,2,1)

Le chercheur est un devenir, il n'est que ce qu'il devient collectivement. Il est le produit du devenir historique, du processus de transformation des sociétés. Les goûts, les usages, les croyances, les connaissances, les valeurs, sont le produit d'un passé culturel, social, institutionnel, de traditions ethniques, nationales... "chacun est fils de son temps" (HEGEL), et le temps présent serait la résultante d'un long développement antérieur transmis par l'école.
En disant que le chercheur est un "être historique", cela indique qu’en tant qu’homme il appartient à l’histoire, mais qu’il est aussi l'agent et l’auteur de son propre devenir ; il est ce qu'il se fait au cours des époques, il est son histoire. Son devenir ou son processus historique se déroule sous la forme de séries d'événements. Mais ces événements eux-mêmes peuvent être vus comme l'effet de surface de facteurs multiples qui constituent la trame profonde et le véritable ressort ou moteur du processus de sa transformation. En fait, il s'agit de l'ensemble des éléments qui forment et influencent la vie de ce dernier. Tous ces facteurs sont la relation complexe d'interactions continues et réciproques, ad infinitum...
De plus, dans ce système où chaque élément ne fonctionne qu'en relation de complémentarité et de tension avec tous les autres, certains facteurs jouent-ils dans le devenir historique, dans le processus de transformation des sociétés au cours du temps, un rôle déterminant, ou du moins
prédominant ? Il semblerait que tout cet événementiel dépendrait de l'éducation, seul mode de transmission éclairant le devenir à partir du passé. Donc, la recherche sera "en éducation"(11).
Nous faisons notre histoire nous-mêmes suivant des conditions et des prémisses assez contradictoires. Il n'y aurait pas d'autre moteur de notre histoire que la tradition dite, pas d'autre source originaire de notre culture que l'éclairage ponctuel et présent de notre mémoire sélective et interprétative. Là réside la dramaturgie de tout chercheur : "il s’agit bien de modes et de mouvements hétérogènes de la connaissance,... l’ordre du déplié et l’ordre du replié ne coïncident pas naturellement entre eux." (ARDOINO,1983). La note de synthèse devra donc tenter "d’analyser l’implication et d’inclure cette analyse dans l’explication" (BATAILLE 1983).
En outre, produit de son histoire et de ses implications, le chercheur est simultanément conscience historique de sa communauté scientifique et conscience historique individualisée. Il fonde donc sa recherche sur la perception conjuguée de ses deux consciences perpétuellement mouvantes, car elles sont historicité et projet, "sources absolues de sens" (MERLEAU-PONTY, 1945).

Cependant, un autre problème se pose au chercheur: comment écrire une "durée" (BERGSON, 1932, 1936)(12) , comment dire un "Dasein " (13) (HEIDEGGER, 1927), alors que l’écriture est elle-même durée et expression du "Dasein " ? Cet art ne se dévoilerait qu’en avançant. Tout ne serait que l'aboutissement ou le débouché d'une "traîne" (HUSSERL, 1905)(14) dont les points hypothétiquement terminaux ne cesseraient de changer de contenu. Cette temporalité ou emboîtement de "rétentions" (LEIBNIZ, 1703)(15) qui se prennent en charge les unes les autres pour s'échelonner jusqu'à l'actuel, nous garantit que si, par le passage au passé, tout est modifié, rien ne serait cependant perdu, c'est-à-dire rien ne serait hors d'atteinte, puisque récupérable par une remémoration. Mais HUSSERL renvoie aussi l'analyse du côté du futur ; le phénomène "rétention" aurait sa contrepartie dans un halo de protension : "tout cogito en tant que conscience est signification de la chose qu'il vise, mais cette "signification" dépasse à tout instant, ce qui, à l'instant même, est donné comme explicitement visé. Il les dépasse, c'est-à-dire qu'il est gros d'un plus qui s'étend au-delà…"(16)

Schéma de HUSSERL commenté par BERGSON et MERLEAU-PONTY (17)

Le commentaire de HUSSERL fixe bien le problème : pendant que A devient B, il ne cesse cependant de rester A en une sorte de A’, maintenu en mains par B. Quand B devient C, B ne cesse cependant de rester en une sorte de B’, maintenu en C, tandis que B’ maintient en mains A", qui est la transformation de A et ainsi de suite...
En outre, pour écrire il faut être un "homme de lettres", et là, le cercle infernal apparaissait. Je ne l'étais pas.
Comment "s'autoriser" (ARDOINO, 1993)(18) à écrire une ligne lorsque l'on est empreint d'une formation mathématique. De la seconde à la terminale, j'avais été valorisée en Mathématiques, Latin et Philosophie, mais jamais en Français, et n'avais pu apprendre à combler ce handicap dans les "hypokhâgnes" et "khâgnes" en raison d'un mariage et d'une naissance précipités. J'avais accompli ma première année d'Université sans jamais pouvoir m'y rendre afin d'obtenir le concours de l'I.P.E.S. en Philosophie. De plus grave importance avait été le commentaire de G.G. GRANGER lors de la remise de ma première dissertation de Philosophie. Cela martelait ma mémoire : "Vous voulez être femme, mère, philosophe, homme de lettres ; cela est impossible..." Et en réalisant, à la façon des envoûtés du bocage normand cette "prédiction"(19) effectivement, je ne fis rien !… Bel exemple de l'effet Pygmalion(20). Au sortir de l'Université, je n'étais plus mariée, je n'assumais plus mon rôle de mère et je ne rédigeais rien ...Il m'a fallu treize ans pour oser soutenir une thèse en Histoire de la Philosophie sur SPINOZA.
Je me retrouvais en paralysie d'écriture parce qu’"habitée de penseurs et de maîtres" auxquels et parmi lesquels on n'oserait tenter de s'inscrire(21). Leur rencontre furent de véritables "dons du ciel" pour entrer dans la réflexion, mais une fille, petite fille, arrière petite fille de Saint-Cyrien devait-elle écrire ? Non !… Tout était hors jeu. J'étais condamnée à être "hors-jeu" dès la non-acceptation de ce pour quoi j'avais été éduquée. Sans la rencontre de J. ARDOINO et l'environnement compréhensif et affectueux de toute l'équipe des Sciences de l'éducation d'Aix-en-Provence, j'étais condamnée à "errer" sans cesse comme un "être qui ne peut que persévérer dans son être"… le comble pour un Spinoziste de coeur ! D’où mon dramaturgique "ressenti" de manque et d’impuissance. Pour le combler, je me déplaçais spatialement, puis institutionnellement et entrais, simultanément, dans une valse indéfinie de recherche de compétences —enseignement de psycho-sociologie à l'I.A.E.—(24), formation des élus(25), formation des chefs d'entreprises(26) , formation des cadres infirmiers(27) , des cadres kinésithérapeutes(28) , formation des assistantes sociales(29), "entraînement" aux concours de l'E.N.A., l'E.N.M., au C.A.P.E.S. de Documentation, au C.A.P.E.S. de Sciences économiques et sociales, aux C.A.P.E.S. de Lettres, interne et externe… Comme le sillage de la recherche se construit "chemin faisant", pour supporter l'impossibilité d'écrire, je parlais encore et encore… Il existait toujours un lieu pour l'implication de mon "errance" et de ma quête désespérée. Dans ces lieux, j'avais, et je m'octroyais, la possibilité de dire et redire aux étudiants, aux professionnels, aux élus, ma mémoire bien pâle de toutes les "pensées fortes"(30) que j'avais côtoyées, d'inventer des "stratégies de réussite" selon leurs décisions et leurs cursus ; je tentais inévitablement de leur éviter tout risque d'errance. J'essayais de devenir le "meilleur outil possible" pour l'appropriation de leur choix de vie exprimé au moment de notre rencontre dans tel "cursus "ou tel autre, dans telle formation professionnelle ou telle autre, dans telle campagne électorale ou telle autre… Je tentais à tout prix de leur éviter l'"errance"… Je n'étais pas, "j'ek-sistais" (HEIDEGGER,1927).
La tentation de la rédaction d'une habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'éducation" suggérée par J.J. BONNIOL en 1991 m'a aidée à me poser à l'intérieur de moi-même pour réfléchir sur mon processus. L'apprentissage de cet exercice, conduit par J. ARDOINO depuis 1992, m'a permis d'oser communiquer à Caen, en 1993, de tenter de rassembler quelques écrits ponctuels et épars dans "Pour l'Art d'Inventer en éducation"(IV). Enfin, la confiance de J. ARDOINO, J.J. BONNIOL, M. GENTHON pour la conduite des entretiens avec J.L. LE MOIGNE et E. MORIN(31) , et pour la relecture des articles du Tome II du Congrès de l’A.F.I.R.S.E d’Aix-en-Provence 1994, ont sûrement fait office de "déclencheur d'écriture".
Mais quelles implications animaient le choix de l’écriture de textes sur l’éducation et le politique ? Elles semblent évidentes. Pour le premier axe, à savoir celui de l’éducation, il faudrait rappeler que je fus immergée dès mon plus jeune âge "dans" l’école et "par" l’école. Immergée "dans" l’école car je n’avais été élevée qu’à l’intérieur d’"espaces scolaires", écoles primaires, collèges d’enseignements généraux... et avais même, dès 1948, servi d’"objet expérimental" à des institutrices ou professeurs voulant rendre leurs leçons ou cours plus "vivants" bien avant l’apparition des "leçons d’éveil" dans les programmes officiels... Immergée aussi "par" l’école, puisque j’y étudiais, j’y jouais, et que ma mère, seul référent parental, en faisait son unique pôle de conversations !...(32) Pour le second axe, à savoir celui du politique, j’avais été le témoin dès mon enfance de récits ou de photographies anciennes racontant la vie des membres disparus de ma famille, tous témoins de l’histoire de France. Cela explique mon attachement viscéral au politique... et à toute réflexion permettant d’éviter les guerres, et par là-même le choix des études de philosophie autorisant la compréhension distanciée des événements.
Mais cela explique encore et surtout ma farouche volonté d’impliquer cette réflexion dans et pour la société, plutôt que de rester dans la posture du "bâtard intellectuel"(33). Car, selon E. MORIN, on ne "devient intellectuel que lorsqu’on prend au sérieux l’éthique des idées ; cette éthique s’oppose à l’esthétique des idées —originalité— et à la mystique des idées —fascination—. Or, l’éthique des idées nous renvoie aux problèmes fondamentaux de la société"(34) . Il faudrait cependant noter les contradictions(35) et complexités de l’existence de l’intellectuel : "l’intellectuel doit d’abord vouloir survivre et vivre comme intellectuel, précisément parce qu’il subit des forces de dégradation interne énormes et qu’une formidable pression politique, idéologique, technocratique… tend à le laminer et le détruire".
Dès lors, essayons de mieux cerner cette volonté par le commentaire de mon "curriculum ".

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II - COMMENTAIRE DU CURRICULUM (*1 )

 

2.1 - Glissements au fil des "rétentions"(36)

Par ma réussite au concours de l'I.P.E.S., j'obtins l'équivalence de Propédeutique classique avec les disciplines Philosophie, Latin, Histoire, et entrai comme élève-professeur à l'Université d'Aix-Marseille I. Je devenai donc étudiante en philosophie et rencontrai mes "maîtres à penser". Puis j'obtins le C.A.P.E.S. de Philosophie et commençai ma carrière par une première année d’enseignement pour les classes de terminale. Je ne conduisais pas les cours de manière "académique" puisque j'avais pris comme options de travail la méthodologie de la dissertation pour le Baccalauréat et la possibilité de lecture par les élèves de quatre systèmes philosophiques, à savoir PLATON, DESCARTES, SPINOZA, KANT. Le nombre important de réussite de mes élèves et leurs notes lors de l'examen me firent désigner à l'Inspection Générale qui m'offrit immédiatement, pour la rentrée suivante (1972), une chaire de Psycho-Pédagogie à l'Ecole Normale de Valence. Cet enseignement se subdivisait alors en Philosophie, Psychologie et Anthropologie sociale. J'y travaillais donc avec les normaliens les textes clefs de Philosophie de l'éducation, les "monuments de Psychologie", FREUD, PIAGET et WALLON, les auteurs classiques de Sociologie, MOSCOVICI, MORIN, DURKHEIM, ou de Psychologie sociale, LEWIN, MORENO… Lors d'un séminaire de psycho-pédagogie de J. LEIF, ce dernier me proposa pour le stage du Centre de Recherches et d’Etudes sur la Formation, l’Education et le Développement(37) à l'Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud afin que j’approfondisse la réflexion "psycho-pédagogique" (1973-1974). Ce stage nous donnait alors la possibilité de devenir "Inspecteur de l'Education Nationale" ou "Professeur d'Ecole Normale" ; vu mon jeune âge, je n’osais accepter le statut d’Inspecteur et je revins à Valence comme Professeur jusqu'en 1977. Puis, je fus appelée en détachement à l'Université de Provence, afin de créer les structures pédagogiques du secteur de "Français Langue Etrangère". Pour ce faire, je me respécialisai en Phonétique(38) afin de pouvoir inventer les matériaux pédagogiques —tests, livrets pédagogiques,…— et assurer la formation des "enseignants vacataires" de ce secteur. J'étais responsable pour les cours d'hiver —mille étudiants et sept enseignants— comme pour les cours d'été —huit cents étudiants et une cinquantaine de chargés de cours— ce qui me permis de ne jamais m'habituer aux "vacances" et de soutenir ma thèse en "Histoire de la Philosophie" en 1983.
Enfin, je demandai, en 1987, le rattachement de mon poste en Sciences de l'éducation, section dans laquelle j'étais chargée de cours depuis 1981(39). Comme j'avais été classée troisième "ex aequo " sur un poste de Maître-Assistant en Sciences de l'éducation(40) , puis deuxième par le C.N.U. de 1988 sur un poste de Maîtrise de Conférences en Sciences de l'éducation(41) (*3), mais non retenue par la Commission locale, je demandai mon détachement à la Faculté de Droit à Aix-Marseille III que j'obtins en 1989 afin de pouvoir avancer dans mes lectures et enrichir mon enseignement d'autres "défis" (BRUNER, 1960) : préparation des concours d’entrée à l’Ecole Nationale de la Magistrature, à l’Ecole Nationale de l’Administration, au Certificat d’Aptitude des Professeurs de l’Enseignement Secondaire en Sciences économiques et sociales, enseignement de la méthodologie en vue de l'examen d'entrée au Centre de Formation professionnelle des Avocats ; cours d'Ethique sur les problèmes frontières du droit(42) pour le D.E.A. de Théorie juridique et cours de Philosophie du Droit et de Philosophie politique offerts à tous les étudiants de l'Université. Mais, toujours impliquée en Sciences de l'éducation, je gardais l'Unité de Valeur de la Licence créée auparavant "Analyse critique des textes sur l'éducation" et assurais la préparation des concours tout en étant réclamée dans les filières professionnalisées par J.J. BONNIOL et M. GENTHON(43) . Je devenais ainsi responsable d'autres U.V. en Maîtrise "Histoire des idées et épistémologie" et participais à la formation doctorale : "Systèmes d'Apprentissage, Systèmes d'Evaluation" (*,2). Certaines semaines de ces dernières années, je m'entrevoyais comme une "machine" à plusieurs "canaux d'information et de formation". Par exemple, le lundi, je m'attachais aux demandes des cadres infirmiers de Nantes, le mardi, à celles des cadres kinésithérapeutes de Paris. Je m'intéressais le mercredi à l'évaluation législative avec les sénateurs à Paris, et, le jeudi, à la formation des élus à l'Assemblée Nationale à Paris, tout en rentrant parler, le soir, de philosophie du droit à Aix-en-Provence. Dès le vendredi, j'encadrais les étudiants de D.E.A. pour leurs recherches en "Théorie juridique", et, le samedi, je devenais professeur de culture générale et de méthodologie de concours pour l'E.N.A., l'E.N.M.… Là s’inscrivait ma volonté d’implication dans la cité.

Par une lecture synthétique du "curriculum ", on peut dégager trois axes.
• Le premier est celui de l'enseignement de la philosophie sur les thématiques de l’éducation, de l’éthique et de l’épistémologie : cours à l'Ecole Normale(44) , "Analyse de l'Acte Educatif " pour le D.E.U.G. Instituteurs, puis pour le D.E.U.G. F.I.S.(45) , et cours à l'Université "Bons-mauvais élèves " pour l'U.V. SCE 770, "Entretien sur l'acte éducatif " pour l'U.V. Post-Deug, "Situation épistémologique du F.L.E. " pour l'U.V. de Maîtrise de F.L.E., "Histoire des idées et épistémologie" pour la Maîtrise des Sciences de l'éducation, "Questions d'éthique " pour le D.E.A. de Théorie juridique, "Culture générale " pour les concours de l’E.N.M. et de l’E.N.A. et Philosophie du droit (*,2).
• Le deuxième axe est d'ordre méthodologique, en vue de la préparation des étudiants à différents concours : entraînement à la dissertation, à l'analyse critique comparative, à la note de synthèse, aux grandes leçons d'oraux…
• Le troisième axe est d'ordre formatif pour toutes les formations des filières universitaires professionnalisées des Sciences de l'éducation où des interventions ponctuelles m'étaient réclamées par le Ministère de la Santé(46) , le Ministère de l'Intérieur (47), l'Assemblée Nationale (48), le Sénat(49) , la D.I.I.S(50) .… et d’ordre implicatif pour la préparation de l'élection présidentielle de 1981, la préparation des élections législatives (1981, 1987 et 1988) et la préparation des états généraux sur l'éducation (1991, 1992), de même que pour la formation des assistantes sociales (1987 à 1991 et 1994)…

 

2.2 - A la découverte d’apparents points de bifurcation

2.2.1 - Le premier point fut sans doute le passage de l’enseignement de la philosophie à la formation des instituteurs(51). Fut-il contraint ? En toute honnêteté oui, puisque c'est la pression externe de J. LEIF qui fit cette rupture en me nommant dans une Ecole Normale et en me choisissant pour le stage du C.R.E.F.E.D. en 1973. Mais il ne faudrait pas oublier de rappeler l’implication personnelle interne quant à mon acceptation, puisque ma mère fut institutrice et directrice de collège d’enseignement général et que je continuais ces formations au-delà de l'Ecole Normale et jusqu'à la création des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres.

2.2.2 - Le deuxième point de bifurcation se trouve être le passage entre la formation des Instituteurs et la coordination pédagogique d'un secteur de Français Langue Etrangère à l'Université de Provence. Il est, certes, dû à des pressions externes de "commodité de vie" en raison du lieu de la nomination, mais aussi et surtout, à une "passion naissante" pour inventer, créer de toutes pièces une structure inexistante tout en continuant à former des enseignants. Ce point me permit de pouvoir conjoindre création d'un secteur, enseignement, formation et Sciences de l'éducation, puisque c'est lors de cette période que les U.V. d'"Entretien sur l'acte éducatif ", d'"Analyse critique des textes sur l'éducation ", de "Bons et mauvais élèves " débutèrent par mes soins. Ceci me permit d'entrevoir que le secteur des Sciences de l'éducation était l'unique aboutissement de mon implication de toujours, d'où ma démarche de détachement dans ce secteur en 1987.

2.2.3 - Le troisième point de bifurcation se trouve être mon départ en Faculté de Droit. Fallait-il le comprendre comme une déception ou une fuite pour ne pas avoir été retenue sur les deux premiers postes de Collège B en Sciences de l'éducation, malgré mes "nominations" ? Fallait-il, au contraire, l'entendre comme un retour à la "Théoria ", perçu comme nécessaire après mes deux "échecs" puisque je fus détachée dans un "Laboratoire de Théorie Juridique" ? Fallait-il l'entendre comme un retour aux sources philosophiques, entachées d'un autre "défi", à savoir celui d'une discipline inconnue, le Droit ?


2.3 - Des "rétentions" à une visée probable

Si je n'avais pas continué à développer mes enseignements et recherches en Sciences de l'éducation, on aurait pu imaginer que la première et la troisième hypothèse fussent acceptables. Mais les articles que je publiais alors dans la "Revue de Recherches Juridiques" étaient : "Leçons modernes sur la période sophistique " (II,3), "Philosophie de la formation et vie de la cité " (II,4), "Logique du discours " (III,1,2), "Le processus infini de la pensée inventive " (I,3) … Seul celui sur Rousseau, "Les failles logiques du Contrat social " (II,1), pouvait démentir cette affirmation, mais d'une part, il préparait "Logique du Discours ", et d'autre part, il allait pointer le déclic de l'urgence de sauvegarde de la Démocratie.
La contraction des trois points précédents engendra ma décision d'écrire une habilitation à diriger des recherches en Sciences de l'éducation. Car toutes mes publications d'alors avaient pour projet celui de "s’impliquer dans la cité", et, pour moi, cette visée ne pouvait se réaliser que par des recherches en éducation.(53)

Cependant, ces points de rupture ne suffisaient pas pour entendre le projet de recherche ; il fallait tenter d'approcher des "contractions" (BERGSON, 1936) ou "noeuds" (54)(MORIN, ARDOINO, 1994) ou "monades" (LEIBNIZ, 1714).
Pourquoi utiliser le terme de "noeud" ou "monade" ? Afin d'éclairer, de contracter et de diffracter en réseaux le processus de recherche, grâce à des regards "multi-focaux" (MORIN, 1994) ou "multi-référentiels" (ARDOINO, 1980, 1994).(55)
Car le parcours historiographique récurrent(56) ne livre que des "points" de rupture de la pratique, tels ceux des passages de l'enseignement à la formation, puis, de cette formation des enseignants du primaire à la volonté de créer un secteur de Didactique du "Français comme Langue Etrangère" pour tous niveaux, enfin, de la réflexion sur ce "montage-invention" à sa diffusion dans des U.V. "multi-facettes" selon le public concerné en Sciences de l'éducation(57). Tous ces "points" se rangeraient sur une première "trajectoire" courbe, à savoir celle d'une application pragmatique, orientée vers tels étudiants ou tels professionnels, première Boucle Récursive(58) s’inscrivant dans le champ des Sciences de l'éducation.

 

Le point "psycho-pédagogie" se ramifiait alors en Philosophie de l'éducation, Anthropologie sociale et Psychologie ; le point "Didactique du Français Langue Etrangère" en Linguistique, Phonétique, Science des organisations, Psychologie cognitive, Psychologie de l'apprentissage… ; le point "Philosophie de l'éducation", largement insufflée par mes traductions de BRUNER accomplies lors de mon stage du C.R.E.F.E.D. (I,1 et II,2), en réflexion critique sur le système éducatif et son évolution.

 

 

Une seconde courbure allait de la "Philosophie de l’éducation" à un retour vers la "Philosophie politique", jusqu’à ce que l’analyse en profondeur s’intéressant à la "Cité" (structure des partis politiques, élections, évaluation législative, bio-éthique…) me fasse entendre "l'Education" comme thème de recherche premier, primordial, et urgent, pour la sauvegarde de la démocratie. Car les "acteurs" politiques, parties prenantes de tous les rouages décisionnels institutionnels, auraient pu sortir de leur "carcan technocratique" et de leur trop forte dépendance de l'économie mondiale si on leur avait appris la "réforme de pensée" (MORIN, 1994). Or, cette réforme ne pouvait s'inscrire que dans l'Ecole, dès le plus jeune âge (BRUNER, I,2). A partir de là, mon implication fut de plus en plus importante dans le secteur des Sciences de l’éducation. Lors de mes enseignements et formations, j’éclairais la santé, l'histoire des idées, l'épistémologie, la méthodologie, en vue d'une autre philosophie de la formation. Cette pluralité n'avait pour cohérence que ma seule dynamique intentionnelle, mon "projet" (59)(BOUTINET, 1990). Ce projet s’amorçait avec ma réflexion sur l'école et son organisation(60) . Je supposais que mon implication dans les formations d'adultes, déjà acteurs ou futurs acteurs(61) du système dans plusieurs de ses lieux d'appartenance, permettrait des impacts pouvant initier un changement à partir de l'intérieur des structures établies institutionnellement.

 

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III - VERS LE CHOIX D'UNE METHODE

Avant de justifier le choix de telle méthode ou telle autre, on décidera "a priori " de se détacher de l'ancien modèle "Théorie-Pratique" où les Sciences de l'éducation seraient des "sciences appliquées" pour privilégier l'image de ces sciences comme "sciences impliquées"(62). En raison de cela, le chercheur ne peut être que fondamentalement impliqué par et dans le choix de sa méthode (63).

3.1 - Sur l’enquête.

Nous allons tenter une enquête de type empirique, partant des "sensations" et des impressions encore vivaces "hic et nunc ", car ce type d'"enquête"permet des "inférences" et des "connexions". Mais les lignes de force d'un "expériment " demeurent par trop "physiques", au sens classique des Sciences de la nature, chronologiques au sens "spatial" et implicantes, au sens d'un "ressenti visé toujours déjà là". On ne pourrait donc en extraire que des "catégories" diverses des objets parcellaires "d'étude" (64), ou des "thèmes" fédérateurs indiqués avant dans ce texte lors des schémas ; ou, au mieux, la visée d'implication dans le champ des Sciences de l'éducation, et pas dans un autre !…Jamais le processus de recherche ne pourrait être entrevu, car on demeurerait dans une"perception aplatie" ; pire, on s'installerait dans un regard linéaire de l'ordre de la trajectoire en balistique, même s'il faisait retour sur lui-même à l'aide de boucles récursives.
Or, l'enjeu de l'habilitation serait de découvrir les "rétentions passées" et "propensions futures" grâce à un écrit rédigé "hic et nunc ". Somme toute, on tenterait de découvrir les "monades" ou "unitas multiplex " (MORIN, 1991) dans lesquelles se "nouent" les expressions multiples de la recherche ; elles seraient des sortes de "points métaphysiques" , nécessitant plusieurs "méta-regards" (MORIN, III,2,3) sur les premières approches récurrentes afin de laisser jaillir de possibles centres de diffusion infinie, en ce qui aurait trait aux actions et aux projets hypothétiques de recherche. Ces "points" seraient comme des "points énergétiques" se diffractant en expressions multiples de mon "Dasein " (HEIDEGGER). Les trouver, si cela est possible, serait bien évidemment un travail d'abstraction de mon esprit prélevant sur mon "continuum " temporel pour les percevoir. Mais comment procéder ? Faudrait-il d'abord les découvrir afin de pouvoir dérouler les réseaux du ou des processus de recherche comme multi-facettes, ou au contraire, analyser les réseaux déployés dans "l'experiment " de ses études, articles, communications…, afin de laisser poindre les "unités réquisits" de son processus de recherche ?

3.2 - Choix d’une méthode

Des justifications s'imposent : pourquoi s'intéresser aux sources empiristes plutôt qu’à celles du rationalisme ? En premier lieu, en raison d'une fondamentale analogie d'entrée dans la recherche, "c'est par le portail de l'éthique et de la politique que HUME est entré dans la philosophie " (SMITH). Or, c'est bien par le "portail de la Philosophie politique" que je me suis intéressée à la recherche en "Sciences de l'éducation" . En deuxième lieu, cette méthode s’apparente à mes convictions : "nihil est in intellectu quod fuit in sensu " (BACON, HUME) repris par BRUNER dans "The process of education " : "comment est-ce que je sais ce que je pense sans que je sente ce que je fais ?", ce qui lie définitivement les "impressions" aux "idées" au lieu de les séparer… De plus, HUME privilégie l’approche inductive au lieu de l'approche déductive, contrairement à ARISTOTE dans Les Analytiques, ou à DESCARTES dans ses Règles pour la direction de l'esprit. Pour HUME, par exemple, la mécanique part de faits sensibles, de "besoins pratiques" (NEWTON, 1687) et les cercles et les courbes de la géométrie ou art de mesurer ne sont que des "pro-tensions" de ces problèmes. Or, les problématiques pratiques rencontrées lors de questionnements de différents publics avec différents "attendus" nécessitent des "solutions" en vue d'une synthèse de réflexion sur l'éducation, tout en sachant que ces résolutions seront les "nôtres", à tel ou tel moment de la recherche, donc forcément "provisoires", "malléables" et "criticables"… La fixation de points essentiels pour la recherche s’impose alors :
• Déterminer par une méthode d'investigation les expériences pragmatiques fondamentales, "matters of fact ", puis par "inductions" ou "inférences", en "abstraire" les "impressions de réflexion".
• Ne jamais accepter la connexion causale "ad
infinitum ", inexplicable, dépendante de causes implicites toujours déjà cachées, donc mystérieuses ! Pour ce faire, accepter le pluralisme des "impressions" de sensation et de réflexion, en abandonnant le voeu pieu de vouloir réduire plusieurs inférences à une visée unitaire.
• Ne plus tenter d'élaborer une "théorie de la connaissance" dans laquelle la "théoria " serait définitivement séparée de "l'aistesis ", mais plutôt une "Enquête sur l'entendement", consciente de ce que la nature humaine mêle entendement et imagination, jugement et croyance, raisonnement et "habitus ", dans sa "raison synthétique" assimilée parfois à "l'instinct", par son enracinement au plus profond de nous.
• Mettre aussi en exergue l’infirmité d’une pensée refusant naturellement l'hétérogénéité et se méfier de sa pente naturelle à l’homogénéisation.
• Contre cela, privilégier le nécessaire "retour aux choses" et l'obligatoire suspension du jugement ou "époche " de HUSSERL.

Car la raison, entendue au sens classique, ne pourrait jamais être la source de la conscience. La connaissance serait une pratique, tentant, en vue d'une "synthèse", des "inférences découvertes par associations d’"experiments ", en sachant que ces réflexions seraient nos actes de croyance, nos impressions et non des certitudes rationnelles.
Dans la note, on fera ressurgir des "pratiques vivantes" tout comme la perception de nos "phénomènes mentaux". Seule la conscience est infaillible, car elle est imprégnée du "Lebenswelt " (HUSSERL, 1954), d'où l'inscription de notre travail dans une optique phénoménologique : le phénomène mental de la synthèse est "présence de l'esprit" du chercheur à lui-même. Or, qu' entend-on par esprit ? Pour répondre, revenons à l’inspiration empiriste : "un amas de collections de perceptions différentes unies les unes aux autres par certaines relations". L'esprit serait une sorte de "théâtre" où diverses perceptions feraient, avec rapidité, simultanément et successivement, leur apparition... sous forme de "faisceaux" . La recherche serait la découverte de ces "faisceaux de perceptions" ; le terme "perception" signifiant les impressions et les idées avec, bien évidemment, une priorité des "impressions", non dans le sens du cachet imprimé dans la cire, ni dans le sens de la "sensation", mais dans celui d'une première "émergence" (VARELA, 1989).
En résumé, l’écriture de la note partira du "Théâtre des premières impressions" pour y porter une attention vigilante afin de réfléchir sur ce que nous contenons grâce aux relations et connexions, et de se "retourner sur soi", le retour s'imageant en une réflection lumineuse. Ce travail de synthèse est le retour, non plus au sens d'une histoire récurrente, ni d'une histoire anecdotique, mais au sens d'une "historia " ou "histoire dans sa vivance", c'est-à-dire d'une méthode de réactivation du "phénomène mental" : du divers originaire des "feelings " à la conjonction consciente des motifs et des actions grâce aux "habitudes", "allants de soi", qui sont le secret de la "posture" du chercheur (ARDOINO, 1990). En effet, "bien loin que l'objet précède le point de vue, c'est le point de vue qui crée l'objet de recherche" (SAUSSURE, 1929) ; il faudrait donc poser la question du processus de recherche à partir de son regard de chercheur, aidé en cela par l’éclairage des "passions" ou des "sympathies" pour tels ou tels thèmes de recherche. Ce sera l'intention du deuxième point (B) : "Le théâtre des impressions".

En toute lucidité, et sachant que la rédaction expressive du "chemin faisant" réside dans les lieux de l'ambiguïté, de la temporalité, de l'inconscient et du factice, tentons cependant de l'effectuer comme mémoire "transcendantale" (HUSSERL, 1905). L'écriture fixerait le "toujours déjà maintenant" du passé, dicté au présent en vue du futur. Il serait nécessaire, en raison de la temporalité, de montrer les modifications comme emboîtement de "rétentions" (LEIBNIZ, 1703 ; BERGSON, 1936) que nous prendrions en charge les unes les autres, pour s'échelonner jusqu'à l'actuel, car rien ne serait hors d'atteinte…
Afin d’éclairer le processus de recherche, deux lectures sont nécessaires : dans un premier temps, le chapitre B livrera, par un regard récurrent, des impressions encore vivaces ; dans un second temps, le chapitre C tentera quelques méta-regards inférant des réseaux de recherche.
Le chapitre "Le Théâtre des impressions" s’intéressera aux inférences, sources et fondements, extraits des connexions ou conjonctions conscientes d'"experiments " semblables, et il laissera advenir les "différences" sans que celles-ci ne perdent leur caractère distinctif qui leur est essentiel (HUME, 1739), tandis que l’autre chapitre, "Le Miroir des réflections", liera dans des chemins "transversaux" l'originairement diversifié à l'aide de "connexions indissolubles".
Mais cette méthode d’exposition soulève trois
problèmes :
• "Comment peut-on lier entre elles les "différences" sans que celles-ci ne perdent leurs caractères divers et multiples ?" Kant écrivait : "Ce n'est qu'à la condition de pouvoir lier dans une conscience un divers de représentations données qu'il m'est possible de me représenter l'identité de la conscience de ses représentations mêmes" ou encore "L'unité analytique de l'aperception n'est possible que sous la supposition de quelque unité synthétique"81. L'analyse qui paraît être le contraire de cet acte de liaison suppose toujours l'unité de cet acte ; car là où l'entendement n'a rien lié d'avance, il ne saurait non plus rien délier, puisque c'est par lui seul que quelque chose a pu être donné comme lié aux manières de se représenter. Ces liaisons sont "intuitions empiriques", retranscrites par "l'unité originairement synthétique de l'aperception" ; elles sont des conjonctions constantes d'objets semblables qui autorisent les inférences de l'un à l'autre. "Le présent doit être la raison vivante du passé" (BAUDELAIRE) tout comme, pourrait-on ajouter, la source jaillissante des possibles futurs…
• Comment pourrait-on reconnaître à l'intérieur de ce champ illimité d'associations possibles ces réseaux et pas d'autres ? Comment fixer l'imagination ? Le concept
"d'habitus " moderne, c'est-à-dire de la "vividness " des mémorisations, répétitions, liaisons, interviendra pour la présentation du chapitre "Le théâtre des impressions" mais pas pour celle du chapitre "Le miroir des réflections", dans lequel celui de "posture" est primordial, car on n'agit pas du tout de la même façon en se laissant porter au gré de ses "allants de soi" ou en réfléchissant ses façons de faire, a fortiori en les étudiant de façon un peu systématique… Le chercheur se définit par son projet, par son intentionnalité explicites, assortis toutefois des moyens stratégiques et méthodologiques qu'il se donne… En fait, le travail scientifique va dépendre d'une "économie optimale du rapport implication-distanciation" (ARDOINO, 1990), quoique la notion d’optimalité soit parfois un voeu pieu.
L'écriture du "Théâtre des impressions" serait plus impliquée et moins distanciée, la rédaction du "Miroir des réflections" se devrait d’être plus distanciée et moins impliquée…
• En sus, comme les objets de recherche risqueraient de n’être plus que des transparences de "points de vue" et de s’éloigner du "Lebenswelt ", le "mode d’exposition empirique" nous entraînerait-il à détruire tout "savoir" dans sa positivité parce qu'il s'y "consumerait" ? Lorsque le savoir est "constitué", les "relations" ou "réseaux d'intentionnalité" (MERLEAU-PONTY, 1945) ne peuvent tout simplement plus être extérieurs aux impressions ; or, en nous plaçant du côté du savoir, le savoir apparaît comme "transgression" de toutes les différences montrées par les "impressions de sensation" (I) et en nous plaçant du côté des "impressions de réflexion" (II), ces dernières apparaissent comme ayant été transgressées de toutes parts par la tentative de recherche de modèles cohérents et efficaces (GRANGER, 1967).
Malgré ces difficultés sur lesquelles nous reviendrons dans la deuxième partie de cette note, nous garderons pour le moment la "méthode empiriste" qui permet d’éclairer les lieux originaires de la recherche, là d'où elle parle, là où prennent racine et s'ouvrent les sens des concepts, et ces lieux propres seraient "l'entre-deux" (LERBET, 1988) des impressions différentes et de leurs liens en réseaux, sachant bien évidemment que le discours linéaire ne pourra l’exprimer. Tenter l’écriture du processus de recherche reviendrait à s'essayer à une sorte de "transition coutumière" fixant, déterminant, et dépassant les "experiments ", en vue de son aperception.

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B - LE THEATRE DES IMPRESSIONS

D'entrée de jeu, un tel titre, même s'il demeure méthodiquement premier, permettra de ne dévoiler que les "impressions" qui demeurent encore vivaces à ce jour : sources d'inspiration, études, interventions, formations, toujours déjà trahies par la temporalité et la lecture impliquée et actuelle du passé par le chercheur. D'où l'emprunt du vocable "théâtre" qui fait référence à une "mise en scène" tentant plutôt de privilégier les sources à partir desquelles le processus de recherche aurait été enclenché : sources découvertes sur les terrains, puis, dans son histoire vivante, enfin, dans ses projets d’études.

I - IMPRESSIONS OU "VECUS ELEMENTAIRES"

Tout d'abord, seront contractées en "impressions" fortes (HUME, 1739) ou "vécus élémentaires" (CARNAP, 1928) mes expériences de Professeur de Philosophie en classe terminale, de Professeur de Psycho-pédagogie en Ecole Normale et de Directrice pédagogique d'un secteur de Français Langue Etrangère pour étudiants de toutes cultures et de tous pays. (C V, *1).

1.1 - Des impressions de décalages à leurs essais de résolution

Le premier "vécu élémentaire" serait de l'ordre du décalage :
• Décalage entre les études avancées de préparation aux concours de Philosophie et la première année d’enseignement de cette discipline, compliquée de l'obligation de résultats à une épreuve spécifique de "copie de Philosophie au baccalauréat".
• Décalage entre l'enseignement et la formation des instituteurs à l'Ecole Normale, qu'ils soient "normaliens" ou en "recyclage".
• Décalage encore entre la formation des ins-tituteurs et la création d'un secteur de Didactique du "Français comme Langue Etrangère" pour des étudiants de n'importe quelle appartenance culturelle et de tous niveaux de langue —I à III —.
Il faudrait noter comme corollaire de ces décalages ma nécessaire "assimilation-accommodation" (PIAGET, 1967) pour résoudre au moins dans le sens large de "technologies éducatives plurielles" ces changements de statuts et pour pouvoir les "habiter".

Pour le premier décalage, j'estimais, contre "les instructions officielles", que l'on ne pourrait jamais faire entendre "l'esprit de la philosophie" en "ratiocinant", à l'aide de définitions et conclusions "accolées" des philosophes sur les thèmes généraux tels la liberté, la science, l'histoire…, et pensais aussi que les discussions en classe sur ces mêmes thèmes ne pouvaient pas non plus faire pénétrer l'esprit de la discipline, puisque les élèves "novices" en philosophie tergiversaient dans des opinions multiples et demeuraient dans la "doxa ", sans grande possibilité d'atteindre la "theoria ". Aussi, pris-je le parti de donner les clefs introductives et les synthèses de quatre déroulements de systèmes de pensée : leurs questions fondatrices dues à leur inscription historique, leurs concepts clefs, les enchaînements de ces concepts, et la synthèse évolutive de chaque système, afin qu'ils entrent en philosophie ou tout du moins en réflexion…, ceci étant bien entendu complété par des travaux méthodologiques sur tous types de sujets au baccalauréat avec les élèves de toutes sections. Cela fut facilité puisque, seul Professeur de Philosophie dans ce lycée de Pierrelatte, une certaine liberté m’était octroyée pour aménager les pratiques... Pour résoudre ce décalage, je privilégiais alors le "non académique", —aucun manuel de terminale n'était utilisé— et le "non institutionnel", puisque j’adoptais, avant la mode actuelle, une importante flexibilité des horaires et des salles de cours —les différentes sections étant prises ensemble ou séparées selon les séquences d’apprentissage concernées—.

Pour le deuxième décalage, la situation était plus compliquée. D'une part, il n'était plus question uniquement d'"enseignement" mais aussi de "formation". Or, quelles que soient ses études, devenir formateur d’adultes exerçant des métiers autres que ceux nécessitant un simple transfert spécifique de son domaine de compétences me semblait impossible dès ma deuxième année de carrière. D'autre part, les formations étaient à long terme —deux années d'Ecole Normale— ou à court terme —"recyclage" de six à douze semaines— pour des instituteurs avec d'importants "savoirs-faire", mais dont les compétences pratiques reflétaient des "savoirs constitués" largement dépassés, en particulier en mathématiques et en français. Il me semble me souvenir que, lors de ma première année d'enseignement, j'évitais de me poser des questions sur "Qu'est-ce que la formation ?" "Etre formateur est-ce un leurre ?…" et continuais à enseigner les théories en Psychologie, en Sociologie, en Philosophie, dans mes cours, et à "visiter" les classes des normaliens afin d’apercevoir les résultats pratiques de mes options théoriques choisies. Quant aux stages courts, une certaine amertume demeurait face à ce défi impossible… Amertume, car comment se battre en six ou douze semaines contre une rationalité classique déjà imprégnée depuis au moins quarante ans en mathématiques et en français et amener les instituteurs à un autre type de rationalité ? Au mieux, arrivait-on à les destructurer !… Ils n'osaient plus "refaire", lors de leur retour en classe, ce qu'ils savaient bien accomplir, mais étaient dans l'incapacité d'acquérir, par exemple en 1972, un "mental structuraliste" ou des "perceptions" de géométrie non Euclidienne. En raison de cela, plusieurs années après fut prononcée la phrase du Ministre de l’Education Nationale : "L'école primaire doit apprendre à lire, écrire, compter" (CHEVENEMENT, 1985), phrase surannée pour certains puisque c'était son rôle de toujours, mais comprise par les acteurs du sytème, qui subissaient une réforme des contenus de l'enseignement primaire, sans qu'on leur permette de l’entendre ni de l'assimiler afin d'y accomoder les élèves futurs.
Il faudrait aussi noter comme autre impression une importante déception institutionnelle : ce que l'on essayait d'inculquer aux anciens maîtres en 1972 pour leur enseignement dans les classes étaient, soit la mathématique de la fin du XIXème siècle (LOBATCHEVSKI, 1826, RIEMANN, 1854), soit le français de 1929 (SAUSSURE). Quel décalage encore entre les contenus des programmes qui forment les citoyens de demain et l'avancée des recherches !…Ce fossé m'apparut comme inacceptable et dangereux. Former les têtes de futurs adultes de l'an deux mille avec les théories de la fin du XIXème siècle ou du début du XXème siècle relevait d'un conservatisme toujours en retard de deux ou trois "coupures épistémologiques" (BACHELARD, 1938). On aurait désiré bâtir une école des "citoyens inadaptés", on ne s'y serait pas pris autrement !…

Le troisième décalage semblait encore plus profond, de l’ordre d’une tension au caractère insupportable ; c'était plutôt une sorte de "catharsis" habitée de multiples ruptures : rupture entre l'Ecole Normale et l'Université, rupture entre la Philosophie et la didactique, enfin, rupture avec l'enseignement. Mais ces diverses ruptures s'accompagnaient de découvertes comme dans toute réelle "catharsis" : découvertes du statut "d'inventeur-monteur" d’un secteur, d'une nouvelle discipline, "Le français comme langue étrangère", et du multi-culturel ; approches de l'Institutionnel et du monde des organisations, grâce au statut de "responsable pédagogique". Mon rôle consistait à bâtir les structures pédagogiques , mais aussi à les promouvoir dans différents pays grâce à des contacts inter-universitaires permanents. De là découle mon nécessaire apprentissage de l'Organisation Universitaire —Politique, Economique, Institutionnelle— car, en tant que "responsable pédagogique", je préparais pour mon Directeur les budgets prévisionnels, et j’anticipais aussi pour la Présidence de l'Université les relations diplomatiques nécessaires pour ce type de structures. J'étais loin de pouvoir tenter de résoudre ce décalage autrement que "sur le tas". Je le fis avec une telle "énergie" que le secteur se développa trop vite pour les "espaces" de notre Université et pour la titularisation prévisible institutionnellement des "vacataires". En tant que "formateur", je répondais alors parfaitement à la définition de J.J. BONNIOL : "Le formateur est un passeur" , puisqu'une direction collégiale des enseignants titularisés me succéda, ce qui me permit d'être détachée en Sciences de l'éducation pour réfléchir à partir de ce "parcours" de carrière antécédent, 1970-1984, à des propositions d'Unités de Valeur —1984-1994— (*2).

En conclusion, ces impressions de décalage ne trouvèrent pas toutes leurs résolutions, mais m'amenèrent à m'inscrire dans le champ des "Sciences de l'éducation" pour tenter de les travailler.

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1.2 - Des impressions de "porte -à -faux"

En ce qui a trait à la formation des instituteurs par les "professeurs de philosophie" nommés en Ecole Normale, le Ministre de l'éducation nationale, C. BEULLAC, s'exprimait ainsi dans les colonnes du "Monde" du 14 septembre 1978 : "Il y a en France une prédilection pour l'abstraction qui fait que, au lieu de poser les problèmes en termes concrets, on commence à les poser en termes de philosophie, ce qui entraîne des blocages inutiles alors qu'à partir du moment où nous disons : devant quelle population sommes-nous au niveau élémentaire , quels sont les problèmes qui se posent à nous, que voulons-nous obtenir, quelles corrections à apporter, on peut discuter ?" , ce qui permit de supprimer environ deux cent postes de ce type en France . Cette assertion était vivement critiquée par F. CHATELET : "L'élimination des philosophes de l'Ecole Normale des Instituteurs est une première étape dans la mise en place d'une pédagogie d'Etat à armature technocratique, conduisant, en son stade ultime, à de substantielles économies, puisqu'après tout, le maître peut-être avantageusement remplacé par un terminal d'ordinateur… Alors que de toutes parts, dans le monde, surgissent des doutes concernant l'idéologie de la science et l'excessive subordination des sociétés aux techniques gestionnaires, voici que nos bureaux s'attachent à soumettre l'école, le lycée, l'Université aux impératifs exclusifs de la technologie et "bardés de certitude", nous préparent une nouvelle inadaptation".
Certains psychologues comme L. LURCAT soutenaient aussi la position du "Groupe de travail des professeurs de philosophie en Ecole Normale" auquel j'appartenais (*4) : "on comprend qu'il ne faut pas de philosophie si la psycho-pédagogie devient un prétexte à réfléchir, à penser. Penser ? Un mot à supprimer du dictionnaire, on pourrait peut-être le remplacer utilement par répéter" . De plus, ces prises de parole respectaient la pensée de Marion en 1882 : "En mettant des notions de psychologie et de morale dans le programme des Ecoles Normales Primaires, c'est donc bien des notions de Philosophie qu'on y a mises".
Néanmoins, la posture de "philosophe" n'avait pas une "bonne image de marque" quant à la formation des instituteurs. Elle était accusée d'esprit trop "abstrait", étant dans l'impossibilité d'éclairer les pratiques, d'humeur trop "critique", par voie de conséquence dangereuse, pour les systèmes institutionnels, et parfois même, rangée parmi les derniers suppôts de l'idéologie "bourgeoise" !… Pourquoi les professeurs de philosophie se mettraient-ils à former des instituteurs de l’école primaire si ce n'était pour les
déformer !…
Mais, ces accusations étaient parties prenantes d'une "vieille histoire" commençant avec le "Congrès Pédagogique de Paris" —1882— dans lequel le Ministère avait voulu prendre la mesure des programmes de "psychologie et de morale" entrés en vigueur en 1881. Les réponses des Ecoles Normales oscillaient alors entre le souhait d'une "modeste initiation" et celui de l'inversion des enseignements : la science commençant avec la pratique, les cours théoriques des "principes moraux" succédant aux cours de "morale et application pratiques". Puis apparut l'idée d'une fusion de la pédagogie et de la psychologie d'où naîtraient les futures chaires de "psycho-pédagogie"… Cette histoire culmina lors de la décision du gouvernement de Vichy de supprimer les Ecoles Normales —18 septembre 1940—. On lisait, au sujet de la philosophie dans "l'Agenda de la France Nouvelle"
—1941— : "Les maîtres d'école donc, ne seront plus élevés en serre chaude gavés de philosophie prétentieuse et sournoise, de faux principes anti-nationaux".
Qu'enseignaient donc les "professeurs de philosophie" en Ecole Normale pour être ainsi suspectés ? D'après les programmes —1920-1921— et les témoignages, ils enseignaient la morale , les éléments de psychologie et de sociologie appliqués à l'éducation, et la pédagogie…, somme toute, rien de très séditieux !… Néanmoins, la posture de questionnement, de doute, de relativisme semblait toute désignée comme l'unique responsable de ce qui ne fonctionnait pas dans le système scolaire. Et de plus, si la IIIème République avait désigné les finalités éducatives —laïcité, tolérance, République, Patrie— pour ses "hussards noirs", dans les temps futurs, ces finalités n'avaient plus été réexplicitées. Elles n’étaient pas pour autant devenues des "pièces de musée". Or, seule la réflexion philosophique pouvait définir les fins humaines de l'éducation (LEIF, 1979 ; MIALARET, 1991) mais cette forme d'esprit pouvait-elle satisfaire une institution quelle qu'elle soit ? Bien évidemment non, surtout si la pensée dévoilait la "dislexie" comme un mot qui cache les failles des conduites d'apprentissage de la lecture ; les tests "d'intelligence" de la "psychologie scolaire" comme uniques révélateurs de l'adaptation ou de l'inadaptation à l'école ; la "pédagogie par objectifs" (BLOOM, 1956 ; V. et G. LANDSHEERE, 1975) comme "innocence perverse", puisqu'elle évite de s'interroger sur les finalités (MIALARET, 1991, p. 101) et ne propose qu'une "variante de l'évaluation sommative appliquée au qualitatif (ARDOINO, 1990) , (GENTHON, 1993) ; les théories de la "reproduction sociale" (BOURDIEU et PASSERON,1964,1970) , (BAUDELOT et ESTABLET, 1972) comme "excuses" au dysfonctionnement du système ; les thèses sociolinguistiques (BERNSTEIN, 1971, LABOV, 1973) comme explicitations du "handicap culturel" hérité du pseudo-concept de "déficience mentale" (BINET, 1905-1908). Alors, l'esprit du professeur de philosophie appela à l'analyse des situations et des stratégies, saisit l'historicité des pédagogies et des discours qui les légitimaient, essaya de faire preuve de "vigilance épistémologique" dans l'utilisation des "noyaux rationnels" que l'école se donnait. Certes, en ce sens, il demeurait en "porte-à -faux" institutionnel.
Parfois, le "formateur" philosophe se trouvait aussi en pleine incohérence théorique : se rangeant sous les modes du moment "épanouissement et éveil de l'enfant à l'école", il convoquait des textes de HEGEL chez lequel on a un procès virulent de la "pédagogie du jeu" … ou encore il citait ROUSSEAU comme père de la "non-directivité" et il pensait la "maïeutique" de SOCRATE comme modèle des "méthodes actives" !… D'où le "porte-à-faux" du professeur de philosophie en Ecole Normale qui invoquait des textes "à propos de" l'éducation et les trahissait dans un transfert abusif en raison des fourches caudines de la mode.

Enfin, si l'acte même d'enseigner est de nature philosophique, si la réflexion sur l'enseignement ne peut lui être extérieure (MUGLIONI, 1979), l’expression de "philosophie de l'éducation" serait un pléonasme ! Cependant, le rapport pédagogique, quels que soient sa forme et son degré d'élaboration philosophique, n'est donc pas nié. Ce qui est nié ou dissout, c'est sa prétention à constituer par son devenir l'essence de la vérité en général et même celle de la vérité pédagogique. Les faits éducatifs et leur horizon pédagogique sont radicalement contingents, ils puisent leur réalité dans leur seule facticité. De là, leur imprévisibilité et parfois leur violence…
Si l'enfant n'est pas une chose qu'on puisse connaître et manier à volonté, car un être libre ne saurait être objet de science, une certaine approche expérimentale des Sciences de l'éducation se retrouverait "hors-jeu" (KANT, FICHTE) .

II - DE L'HISTOIRE DANS SA VIVANCE A LA PREMIERE POSTURE

Le philosophe est empreint d’un sentiment de "porte-à-faux" lorsqu'il entre dans le "champ d’une Science de l'éducation", alors que la réflexion de type philosophique fut originairement et chronologiquement première dans ce champ (MARION, 1883 ; BUISSON, 1887 ; DURKHEIM, 1907). Pire, il semble mis "hors-jeu" lorsque se crée à la rentrée de 1967 une maîtrise de deuxième cycle universitaire à Bordeaux, Caen et Paris sous le vocable des "Sciences de l'éducation", en vue d'une approche scientifique pluraliste de l'éducation. Toute approche philosophique était-elle évincée par ce nouvel
intitulé, ou au contraire, la philosophie pouvait-elle se considérer comme une de ces sciences ? Même si la conviction demeurait prégnante pour ceux qui s'étaient engagés dans cette voie, une coloration par trop positiviste du mot "science" risquait de renverser leur projet et de le rendre caduc…
Au demeurant, nous prendrons la décision de montrer combien au contraire la philosophie allait être requise par l’école elle-même, puis par les Sciences de l’éducation.

2 1 - La philosophie requise par l'école
Le colloque "Ecole et Philosophie" préparé par le "Groupe des professeurs de philosophie en Ecole Normale", le "Collège international de philosophie" et J. LEIF rassembla de nombreux penseurs : J. DERRIDA, J.F. LYOTARD, J. RANCIERE, J. HEBRARD, F. BEST, F. LARUELLE… et fut édité à la mémoire de F. CHATELET.
J. DERRIDA mit en exergue certains préceptes dans sa préface : la protestation contre la soumission du philosophe à toute finalité extérieure —utile, rentable, productif, efficient, performant ; le maintien de la mission critique de la philosophie comme instance finale du jugement et pensée des fins ; le refus de "l'assignation à résidence" de la philosophie dans certains types de cours et la permissivité de l'ouvrir à de nouveaux "objets" tels l'enseignement , la possibilité d'analyser l'institutionnel même si elle "excède" les institutions…
J. HEBRARD rappela la confusion moderne entre éducation et instruction par le biais de la scolarisation démocratique et la préférence, qui en découlait, de débats sur les moyens et les règlements pour une école de stricte alphabétisation, d'où sa volonté de "philosophie critique requise par l'école", afin de penser les contradictions des discours pédagogiques et d'inscrire un débat sur les fins de l'éducation. F. BEST surenchérit en rappelant que les
questions : Qu'est-ce que l'envie de savoir ? Qu'est-ce qu'apprendre ? Qu'est-ce que comprendre ? Qu'est-ce que se représenter ? Qu'est-ce qu'un concept ? Quels sont les rapports de l'école avec la société ?… requiéraient la rigueur de la réflexion philosophique, d'où une certaine perversité à vouloir opposer savoirs, constitution des savoirs, pédagogies et réflexion philosophique.
F. LARUELLE signala trois instances qui risquaient de sombrer dans l'objectivation pédagogique en oubliant "l'inenseignable", à savoir la méta-pédagogie qui l'exclut en raison de l'infinité du savoir, les technologies éducatives qui le dénient dans leur volonté de maîtriser l'élève, les "projets de formation" qui rendent possibles la maîtrise de l'enfant en limitant la partie de l'inenseignable. Pour ces raisons, il proposa la philosophie comme "Sur-pédagogie" se pensant comme altérité, altération d'une "anti-pédagogie" qui se laisse enseigner l'inenseignable.
J. RANCIERE précisa enfin que seule la philosophie évitait le "maître explicateur ou abrutisseur" ou le "maître savant-instructeur" et permettait de renverser le fondement de l'autorité du savoir pour un maître qui "apprend et fait apprendre", car il sait qu'il ne sait rien (SOCRATE) et n'est que permissivité d'un "savoir penser". Et E. TASSIN de rajouter : "C'est précisément parce que la philosophie ne forme à rien, et aussi parce qu'elle possède cette capacité à ne jamais achever une pensée, qu'elle est éminemment formatrice" .
Ne se rapproche-t-elle pas, par ce biais, d’une sorte de "Méthodologie de l’éduquer" à la manière d'une connaissance qui pourrait inventer de nouveaux horizons pour l'éducation ? Pourrait-elle alors être requise par le système éducatif comme "art de penser" ? Ce sera le propos d’une "nouvelle heuristique" présentée lors de la deuxième partie.

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2.2 - La philosophie requise par les Sciences de l'éducation

Pour quelles raisons la posture de "philosophe" pourrait-elle intéresser les Sciences de l'éducation ? Si l'on définit ces dernières comme des "sciences appliquées" (MIALARET ; DEBESSE, 1969, 1978), c'est-à-dire comme "l'ensemble des disciplines qui étudie les conditions d'existence, de fonctionnement et d'évolution des situations et des faits d'éducation" afin de démêler les facteurs qui entreraient en jeu dans le "phénomène éducationnel" (MIALARET, 1976), elles nécessitent plutôt une diversité de disciplines scientifiques dans laquelle la philosophie apparaîtrait comme un parent "bâtard", vu son habituelle tendance à l'unification pour construire des systèmes théoriques. Elle irait même à contre-sens, puisque les pratiques éducatives, tout comme les pratiques sociales, sont habitées par des "foisonnements de sens" qui ne se laissent pas facilement transformer par des éclairages théoriques qui postulent homogénéité et continuité linéaire" (ARDOINO, VIGARELLO, 1986). Notre propos a heureusement inscrit les Sciences de l’éducation dans les "sciences impliquées" et ma recherche philosophique dans une approche empirique qui ne dénie en rien les "foisonnements de sens"…

Comment une "posture" de chercheur en philosophie, même s'il se range sagement dans la "case" "Philosophie de l'éducation" parmi les autres disciplines, Psychologie, Sociologie, Histoire, Economie, Politique..., pourrait-elle intéresser les Sciences de l'éducation ? Afin de pouvoir répondre, reprenons, avec N. CHARBONNEL (1988) l'origine de cette constitution de "savoir universitaire institué".
L'époque Compayré (MARION, PECAUT, GREAUD, BUISSON, DURKHEIM) prônait une "Science de l'éducation" qui puisse s'enseigner ; elle appuyait l'enseignement sur des lois établies par les sciences et en tirait des règles d'action : d'où le vocable de "psycho-pédagogie" (CLAPAREDE, 1905) ou de psychologie appliquée à l'éducation. La rigueur de la science se déduit de la rigueur du savoir de l'action, et la force du positivisme ambiant assimile "la psychologie et la philosophie, la science du fait et la recherche sur les valeurs" (HOUSSAYE, 1991).
Par la suite, les "Sciences de l'éducation" marquèrent la "Mort de la pédagogie" (FERRY, 1967) et la fin des confusions de sens quant aux sciences : "il serait contestable de vouloir globalement définir un statut épistémologique des Sciences de l'éducation" (PLAISANCE, VERGNAUD, 1993), car dès qu'il s'agit de "recherche", l'utilisation du pluriel devient important, non seulement pour affirmer la diversité, mais surtout la spécificité de chaque démarche scientifique construisant ses objets (ISAMBERT-JAMATI, 1982). Donc, pour ces raisons sus-dites, il y aurait une impossibilité de résoudre le chercheur philosophe à une éventuelle épistémologie des Sciences de l'éducation, à moins qu’une autre forme d’épistémologie ne prenne en compte la diversité…

Alors la philosophie ne devrait-elle être qu'un "rempart" à cette avancée du positivisme au néo-positivisme, car "l'éducation comporterait encore autre chose que ce que les sciences peuvent en dire, à savoir les finalités, les valeurs" (REBOUL, 1989, p. 96) ou encore "une voie d'accès aux conditions de possibilité de l'éducation et à la recherche de principes fondateurs, de réflexion éthique" ? (LEVEQUE, BEST, 1969). Rempart ou voie d'accès, elle est cependant requise par les Sciences de l'éducation et non plus assimilée comme elle le fut à la "Science de l'éducation". Je tentais donc de m'y employer sans pouvoir anticiper ma recherche sur un essai "de mise à distance épistémologique" (SOETARD, 1994) pour des "Sciences de l'éducation futures".
III - SYMPATHIES ET ETUDES

Le titre justifie par le mot "sympathies" l'appartenance du paragraphe au "Théâtre des impressions", mais il précise par le vocable "études" que l'on travaillait encore en vue de "visées d'optimisation de l'action" (ARDOINO, 1990).

3.1 - Psychologie cognitive et éducation (I)

Lors de mon stage au C.R.E.F.E.D. à l'E.N.S. Saint-Cloud en 1973-1974, je m'intéressais aux traductions de plusieurs textes de J.S. BRUNER publiés à New York entre 1960 et 1971 . Qu'est-ce qui motiva cette entrée dans la "réflexion sur l'éducation" par cet auteur psychologue cognitiviste ? Essentiellement, le fait qu'il correspondait à mon implication. En effet, BRUNER se rapprochait d'"un essai de philosophie humaniste" tentant d'améliorer pour tous les élèves, lycéens, étudiants, le phénomène de la "compréhension". Or, BRUNER n'étant pas encore édité en France à cette époque, je tentais d'en dégager l'essentiel dans mes "synthèses-traductions" (I).
Trois de ses présupposés théoriques me "convenaient" :
• l'inséparabilité de la pensée et de l'action quant à l'acquisition des connaissances ;
• l'intérêt du travail mené aux "frontières" des changements de "représentations" —énactique (par l'action), iconique (par l'image), symbolique (par le langage) (I,1,2)— ;
• la conviction : "l’éducation est un processus constant d’invention"(I,1,4) doublée d’une croyance en la puissance de l'éducation bien menée (I,1,1) et (I,1,2).
Il évitait les querelles "stériles" des psychologues cognitivistes sur le développement de l'intelligence —continu ou discontinu— en insistant plus sur les "stratégies" de mise en oeuvre du phénomène "compréhensif" que sur les "effets" statiques de description des différents "passages" ou "stades" (PIAGET).
Il privilégiait les "habitudes génératives" engendrant une richesse de comportements ; ces habitudes étaient dépendantes de la culture entendue comme "amplificateurs à effets différenciants" et entretenaient un rapport permanent de l'extérieur à l'intérieur et vice-versa (I,1,2).
Il reprochait à l'ethnologie et à la psychologie cognitive leurs limitations car elles ne s'occupaient que des "produits" culturels et non des "processus" sans tenir compte de l'intériorisation "d'outils amplifiés" par l'environnement. D'où la vocation de tout système éducatif : détruire le "réalisme verbal", engendrer la notion de relativité des "points de vue" sur un même phénomène, forger la conscience des individus… (I,1,3).
Il insistait sur l'importance des "impressions" du langage, sur l'usage de l'esprit, et privilégiait la "mise en forme" active de la parole et de l'écriture sur l'écoute et la lecture passives : la parole ou l'écriture renvoyait la lisière du présent vers le futur, privilégiait l'"anticipation", invitait à la formation de concepts… (I,1,5).
Enfin, il visait la construction d'une "Théorie de l'Instruction" (I,1,1) pour un système éducatif à réinventer sans cesse vu la vitesse de changement des sociétés dites "développées" (I,1,4) ; il explicitait cela dans le livre : "Le Processus de l'éducation" (I,2).

Les "leitmotivs" de cet auteur alimentèrent ma réflexion sur l'éducation dans de nombreux enseignements et articles, puis furent repris dans mon essai "Pour l'art d'inventer en éducation" . Pourquoi cette sympathie ? En premier lieu, elle fut héritée de ma conviction d'inadaptation de l'"ancien modèle" d'école et de mon souhait de réforme de l'esprit du système scolaire par lequel l'avenir d'une société passait inévitablement. En second lieu, elle découla du pressentiment de la primauté du "compréhensif" de l'esprit
plus que de "l'explicatif" pour résoudre des problèmes d'importance ; d'où la nécessité de s'adresser à des textes empreints de travaux sur la mémoire, le langage, l'intelligence, les représentations… somme toute, sur le phénomène du "penser". Par l'éducation, on se dirigeait vers une connaissance phénoménologique de l'individu et du monde. Pour cela, une recherche fut menée, non sur une théorie classique de la connaissance (au sens Kantien, 1787) amenant des théorèmes incontournables de l'instruction, mais sur le processus de "l'ad-venir en compréhension" et ses corollaires impliqués pour une autre école. BRUNER, psychologue cognitiviste d'origine, s'intéressant de surcroît au processus de l'éducation, permettait une entrée "sérieuse" et pas trop réductrice dans ce type d'interrogations. Car, le concept premier de "structure" (SAUSSURE, 1929 ; LEVI-STRAUSS, 1959 ; FOUCAULT, 1980) évoluait chez BRUNER en "spirales compréhensives de concepts clefs" dites par les "experts disciplinaires" (I,2). Le concept de "pensée" se diffusait dans et par l'action (VYGOTSKY, 1934 ; GALPERINE, 1966 ; VERMERSH, 1978), était habité par le culturel (WALLON, 1933) et l'habitait aussi. Il n'instituait aucune coupure entre action, image et symbole. Les "représentations" n'étaient en rien dégradées puisqu'elles nourrissaient le processus comme il se nourrissait d'elles. La mémoire était partie prenante du phénomène compréhensif et ce dernier trouvait aussi, en elle, ses origines. Enfin, il laissait à la pensée analytique un rôle fort appauvri : permissivité de "vérifications et de preuves" pour les multiples intuitions de "résolutions de problèmes", seuls témoins de la pensée en marche : d'où sa volonté d'appréhender "l'erreur" comme "saut courageux" vers une "conclusion probable" et de la valoriser comme indice du processus de réflexion . Il en résultait une lecture de l'évaluation comme intériorisation par l'élève du processus et "auto-satisfecit " interne de la joie intellectuelle d'avoir mieux "com-pris" ; le maître devenait un "exemple médiateur" de son "processus de recherche" et jamais un "dicteur-répétiteur" de certitudes scientifiques expliquées et se devant d'être apprises. Le maître préparait, inventait les "défis" les plus porteurs, pour l'entrée en recherche de tels ou tels élèves et pour l'intériorisation d'un système de représentations, générateur d'autres systèmes de plus en plus nombreux… Amorce d'une école autre pour des cités à advenir.

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3.2 - Philosophie politique et éducation

Si les études en "psychologie cognitive" débouchent sur la nécessité de réfléchir à un autre système éducatif, le moteur de mon étude plus "politique" de l'éducation vint d'un "pressentiment d'urgence". Il se construisit en deux moments : d'une part, à l'aide d'une approche "De la dialectique de la responsabilité à la dialectique de la morale " (II,2) , j'entrevoyais la tragédie moderne du politique et la difficulté due à la dialectique "liberté —responsabilité" des "essais d'éthiques", que l'on s'intéresse à l'individu, au citoyen ou à l'homme politique, et quelle que soit l'époque ; d'autre part, ce pressentiment fut renforcé par l'article : "Leçons modernes de la période sophistique " (II,3) . Cette étude projetait une similitude de "données de faits" entre deux périodes : 460 à 400 avant Jésus-Christ et notre époque. Un réel parallélisme d'instabilité politique, de justice en perdition, de morale oubliée (de nos jours au profit d'un technocratisme effréné), de principes religieux caducs, somme toute l'installation d'une "culture de désublimation" (BAUDRILLARD, 1979), m'invitèrent à atteler l'économie à la morale et le politique à la pensée aristotélicienne de "prudence" et de "pudeur". Mais le trouble d'un risque de décomposition du corps social était déjà prégnant. Or, seule une philosophie politique de l'éducation pouvait tenter d'abroger ce danger. Ce fut signalé par l'article synthétique "Philosophie de la formation et vie de la
cité " (II,4) .
L'axe premier d'un projet de recherche était pressenti par cette étude : le projet de réforme de la pensée de tout système éducatif sauvegarderait tous pays des dangers encourus dans le futur. L'implication des "acteurs-éducateurs" était requise en vue de constructions et de "stratégies de l'imprévisible" . Sur cet axe, on notait deux éclairages différents, celui des principes : donner un sens tout aristotélicien au vocable "processus" dans l’expression "processus d’éducation" et promouvoir la réflexion épistémologique Bachelardienne maintenant le complexe mouvant et non plus les certitudes des "idées claires et distinctes" (DESCARTES, 1628-1637) ; puis, celui de quelques pistes didactiques (BRUNER, 1960) héritées du premier point de vue théorique .
L'intentionnalité d'un projet de "philosophie politique de l'éducation" apparaissait afin que les "étudiants" deviennent des citoyens aptes à anticiper, capables de "stratégies optimisantes" devant des situations nouvelles, mis en permanence au défi d'inventer. Par cette énergie nouvelle, on devrait sauver la civilisation de l'image de son apathie et de son manque d'esprit critique afin de jeter le pont entre le passé et l'avenir de toute cité.
Ce même projet insufflerait le sens de l'essai : "Pour l'art d'inventer en éducation" (IV). Par la fable de la connaissance Nietzschéenne, les piliers antiques de "l'éduquer", à savoir le "vrai", le "juste", la "parole" étaient détruits, d'où la nécessité pour les éducateurs de notre temps de retrouver "l'art d'inventer" cher à G. VICO afin de sauvegarder le système éducatif ,et, par là-même, toute démocratie future.

Forts de notre mise en scène du "Théâtre des impressions", tentons de percevoir grâce à un "miroir-reflet" les points de connexions impressions-réflections alimentant notre processus de recherche.

C - LE MIROIR DES REFLECTIONS

Suivant toujours la méthode choisie (pp. 31 à 38), on se posera la question : quelles sont les impressions de "réflections" qui apparaissent le plus vivement comme reflets dans ce miroir ? A partir des "vécus élémentaires" de décalages se réfléchiront des ruptures théoriques ; de ces ruptures théoriques s’engendreront leurs expressions sous forme de deux premiers réseaux de recherche sur le processus de pensée et le processus de l’éducation, dont nous élaborerons une première synthèse ; mais ces premiers réseaux rebondiront de manière impertinente…

 

 

I - DES DECALAGES A L’ASSURANCE DE MA POSTURE

1.1.- Des décalages aux ruptures théoriques

Une première "connexion" s'établit entre les impressions de "décalages" qui m'habitaient et les ruptures théoriques ou contradictions dans la pensée de certains auteurs. Fidèle à la méthode Althüsserienne fort bien explicitée par G. CANGUILHEM dans les "Cahiers pour l’analyse " : "Travailler un concept, c'est en faire varier l'extension et la compréhension, la génération par l'incorporation des traits d'exception, l'exporter hors de sa région d'origine, le prendre comme modèle ou inversement lui chercher un modèle, bref lui conférer progressivement, par des transformations réglées la fonction d'une forme" , je tentais de "travailler" celui de "création divine" lors de mon projet de thèse de 3e cycle —1983— et j’explicitais cela dans ma présentation lors de la soutenance orale de la thèse (III, 1, 1). Le choix de ce concept m'avait été soufflé par M. GUEROULT qui étudiait la problématique de la rupture entre les concepts de la "création divine" et de la "production nécessaire de toutes choses" dans l’oeuvre de SPINOZA . A l'aide d'une pirouette rationaliste, cet éminent historien de la philosophie disait : dans les "Principes de la philosophie" de DESCARTES, SPINOZA imagine, et dans l'Ethique" I, SPINOZA philosophe … Une rupture explicitée par l'introduction d'une autre rupture semblait à tout le moins peu recevable !…

L'enjeu d'un tel travail était de tenter de retracer hypothétiquement les genèses du processus de recherche de SPINOZA, comme lecteur de DESCARTES. Certes, on encourait les foudres de "l'auctoritas " universitaire ; car, comment un étudiant se permettait-il d'avancer des hypothèses sur l’élaboration et la constitution définitive d'un système ? Ses genèses ne seraient jamais que de pures fictions... Je m'employais cependant à inférer "la plus probable", c'est-à-dire celle qui ne contredisait en rien les derniers écrits de SPINOZA.

Je prolongeais l’application de la méthode Althüsserienne pour l’écriture d’un article sur J.J. ROUSSEAU : "J.J. ROUSSEAU et les contradictions du modèle théorique du contrat social " (II,1).

1.2.- Des ruptures théoriques à leurs expressions en
premiers réseaux

Partant de ce marche-pied de réflexion, je m’intéressais aux processus de pensée des auteurs et je réfléchissais sur l'approche des constitutions de leurs systèmes, puis je m’orientais vers une "praxis méthodologique" à l’usage des étudiants : "Force et logique du discours " (III,1,3). Comment ?

Deux inférences me permirent d'ouvrir un de ces réseaux. La première était que tout auteur n'écrivait pas "ex nihilo ", mais s'était approprié d'autres écrits avant de pouvoir enclencher leurs processus de recherche et d’écriture. La seconde devenait la nécessité d'inventer une méthodologie de lecture pour tout individu voulant déclencher ce processus : méthodologie permettant à la fois de "lire à l'essentiel" de nombreux textes, —d'où un codage de type Aristotélicien pour l'analyse formelle — révélant d'où l'auteur parle, ce qu'il veut dire et comment il l'argumente, et d'opérer un autre mode de lecture critique pour le repérage des "failles" contenues dans les textes. Par ces deux modes de lecture, on visait à une construction de la pensée du lecteur sur le même thème. La dynamique était la suivante : appropriation, déconstruction, construction de sa propre pensée.
Les corollaires pédagogiques de cette méthodologie furent très importants : lecture rapide, synthèse d'un texte, note de synthèse de plusieurs textes, critique comparative de deux textes, dissertation, grandes leçons d'oraux de concours…
De cette méthodologie, j'inférais une réflexion plus théorique à propos des concepts d'analyse et de synthèse ; cela sera explicité dans la deuxième partie de la note (III,2,6).

Deux autres inférences me permirent d'ouvrir un autre réseau à partir de l'étude sur ROUSSEAU (II,1) et de celle sur LES SOPHISTES (II,3).
La première était de l'ordre de l'impression de "ruptures" dans notre monde contemporain : des événements dramatiques semblaient apparaître dans des temps de plus
en plus rapprochés à plusieurs endroits de la planète
(cf. F. MEYER) ; d'où un nécessaire questionnement sur l'avenir des pays démocratiques et un retour obligé sur la propagation des failles théoriques du "Contrat Social" dans la constitution du 24 juin 1793 .
La deuxième était d'ordre purement analogique entre la période sophistique et la période moderne d'une part, et entre le Contrat Social et l’évolution actuelle de notre société d'autre part. De ces deux inférences résultait un souci majeur pour les démocraties , et une urgence de survie de ces dernières. Or, seules des réformes d'éducation et de formation risquaient d’enrayer cette dégénérescence : de là, la visée de mon processus de recherche, mes nombreuses "interventions" dans le champ des Sciences de l'éducation, et mes volontaires implications dans la formation de toutes sortes de professionnels…

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Pour montrer tous les emboîtements de réseaux et pour la clarté de la visualisation, nous avons choisi une représentation schématique et linéaire avec des transcriptions de flèches, tout en connaissant l’inappropriation de ce choix. En effet, il semble impossible de représenter un processus dans un espace à deux dimensions et sans ses boucles d’information rétroactives…

II - VERS UNE PREMIERE SYNTHESE (I,2 ; I,3)

BRUNER étant au coeur de notre première imbrication de réseaux, une première synthèse s'impose (I,2).
Mon approche brunérienne sera enrichie d'une réflexion plus actuelle (I,3) dans le champ des Sciences de l'éducation. Comme l'avait pressenti M. GENTHON, le "transfert" d'apprentissage est au coeur du processus d'éducation : "le transfert nécessiterait, non seulement des capacités de généralisation, mais de discrimination et impliquerait de nouvelles planifications d'opérations, le sujet construisant alors un nouvel "algorithme de résolution" connu sans doute par les experts, mais non expérimenté encore par lui" (I.2.) et (I,3).
Les esprits les plus experts (ARDOINO, 1990) dans les divers champs disciplinaires doivent élaborer les programmes d'enseignement : "Pour décider que les idées élémentaires de l'algèbre dépendent seulement des lois fondamentales de la commutativité, distributivité et associativité, il faut être un mathématicien capable d'apprécier et de comprendre les principes des mathématiques". Pourquoi ? Car ils sont seuls capables d'éclairer la structure de la discipline là où elle en est de son développement avec les concepts-clefs la réfléchissant. Cependant, il est nécessaire qu'ils explicitent leurs attitudes et leurs comportements quant à leurs recherches . Là se dessine l'intérêt d'une démarche d'habilitation pour les chercheurs, et, par voie de conséquence, pour leurs étudiants.

Les revendications pour l'enseignement seraient :
• quant aux apprentissages des élèves, quel que soit leur niveau, ils seraient facilités si l’enseignement s’appuyait sur les concepts-clefs des "spirales structurelles" des disciplines, car la compréhension des principes et des idées fondamentales semble être le meilleur moyen pour un transfert juste de l'apprentissage.
• quant à la mémoire humaine : "tout détail s'il n'est rangé dans un modèle structuré est rapidement oublié ". En effet, le matériau est conservé dans la mémoire à l'aide de voies simplifiées. Ces images simplifiées ont un caractère "régénérateur".
Donc, un bon enseignement devrait véhiculer non seulement la compréhension d'une discipline, mais aussi son souvenir futur.
• quant aux écoles, il serait nécessaire de réexaminer en permanence des matériaux pédagogiques afin de rétrécir le fossé entre la connaissance théorique des chercheurs et la connaissance réfléchie dans les établissements scolaires par les praticiens à l'aide des matériaux didactiques.

Si l'œil de "l'expert" éclaire de manière récurrente l'ordonnancement spiralaire de répartition des concepts-clefs informant chaque discipline, il ne faudrait pas demeurer dans un contre-sens cartésien pour interpréter BRUNER en croyant à des frontières disciplinaires imperméables. Il serait même possible, selon cet auteur, de créer un Institut de Réflexion interdisciplinaire et métadisciplinaire afin d'approcher une théorie de la science dite générale. Ce modèle d'idée pourrait être illustré par la généralisation et son utilisation, l'unité de mesure et son exploitation, le détour de l'information en sciences, et la nécessité d'une définition opérationnelle des idées... Cette spirale compréhensive éclairerait l'élève et lui permettrait d'entrer dans les disciplines spécifiques avec une plus grande facilité d'appréhension. Autrefois, la première année de "Propédeutique" dans les Facultés de Lettres et celle de "M.P.C." dans les Facultés de Sciences s’appuyaient sur cette conviction. L'attitude qui considère les choses comme reliées et non isolées en fait partie.
Mais il faudrait que chaque chercheur explicite ses cheminements de pensée et ses attitudes de réflexion afin d'appréhender les lois d'une "heuristique générale", marche-pied de la science générale. Il serait aussi nécessaire d'évaluer les attitudes ou systèmes heuristiques les plus performants et les plus économiques pour les stratégies de "l'éduquer".

2.1 - Sur les processus de pensée (I,2)

Il faudrait privilégier la pensée intuitive de l'étudiant, pensée en opposition avec sa pensée formelle, véritable saisie immédiate des sujets qu'il rencontre. Dans beaucoup d'apprentissages scolaires et d'examens universitaires, l'accent est souvent mis sur les formules, c'est-à-dire sur la capacité de l'étudiant à reproduire des formules verbales ou numériques et à les développer dans des exercices d'application.

On pourrait distinguer le "génie muet" de l'"idiot parlant" (BRUNER, 1960) (I,3). Le premier serait l'étudiant qui dénoterait, par ses opérations et ses conclusions, une profonde saisie du sujet mais ne serait pas capable de "dire comment il procède", contrairement à l'autre étudiant qui "connaîtrait apparemment une quantité de mots appropriés mais ne montrerait aucune capacité pour utiliser les idées et concepts pour lesquelles les mots ont été probablement inventés". Un examen attentif de la nature de la pensée intuitive pourrait être d'un grand bénéfice pour ceux qui sont chargés de la conception des programmes d'enseignement. Comment définir cette pensée ?
Deux sens assez différents peuvent être envisagés : d'une part, on dit d'un individu qu'il pense intuitivement quand, ayant travaillé un long moment sur un problème, il découvre presque tout à coup la solution, solution pour laquelle il devra construire après une preuve formelle. D'autre part, on dit aussi d'un individu qu'il est un bon mathématicien intuitif si, lorsqu'on vient lui poser des questions, il peut fournir rapidement de très bonnes estimations quant au résultat ou quant aux diverses approches qui se révéleront fécondes pour la résolution du problème.
Par exemple, on a très peu enseigné sur l'utilisation des diagrammes comme sur les expériences géométriques que l'on trouve dans "La géométrie et l'Imagination" de HILBERT et COHN, livre dans lequel les preuves perceptibles remplacent les preuves formelles chaque fois que cela est possible. Similairement, en physique, la mécanique Newtonienne est enseignée de manière typiquement déductive et analytique. On se soucie trop peu du développement de la compréhension intuitive. En effet, quelques uns d'entre eux ont même suggéré que "perfectionner l'usage de la pensée intuitive chez les enseignants est un problème aussi grave que celui de perfectionner son usage chez les étudiants...".

La pensée intuitive ne progresse jamais avec circonspection et étapes bien définies. En effet, elle tend à comporter des stratégies appuyées sur une perception quasiment implicite de la totalité du problème. Le penseur donne une réponse qui peut être "vraie" ou "fausse" avec fort peu de conscience du processus qui lui a permis de l'atteindre. Il peut rarement fournir un exposé adéquat de la manière dont il a trouvé sa réponse, et il peut même être sans savoir à quels aspects de la situation du problème il a répondu. Habituellement, la pensée intuitive s'appuie sur une familiarité du chercheur avec le domaine de la connaissance en jeu et avec sa structure, ce qui lui permet de sauter des étapes en opérant de faibles coupures qui nécessiteront après une revérification des conclusions à l'aide de chemins plus analytiques, qu'ils soient déductifs ou inductifs.
Or, concrètement, on peut dire beaucoup plus de choses sur la pensée analytique que sur la pensée intuitive. La pensée analytique a pour caractéristique essentielle de ne franchir qu'une étape à la fois. Les étapes sont explicites et peuvent être d'ordinaire rapportées par le penseur à un autre individu. Somme toute, une telle pensée procède avec une pleine conscience de l'information et des opérations mentales mises en jeu.
La complémentarité de la pensée intuitive et de la pensée analytique devrait être reconnue. Par l'intermédiaire de la pensée intuitive, l'individu peut souvent en une saisie immédiate aboutir aux solutions de problèmes qu'il n'aurait pu atteindre que beaucoup plus lentement par l'intermédiaire de la pensée analytique. Une fois les résultats atteints par les méthodes intuitives, ils pourraient être vérifiés par les méthodes analytiques tout en demeurant les meilleures hypothèses avancées. En effet, le penseur intuitif peut, plus souvent que le penseur analytique, inventer ou résoudre des problèmes. Mais il serait possible que ce soit l'analyste qui donne à ces problèmes leur formalisation adéquate.
Avec WEBSTER, il semble possible de préciser encore l'intuition, comme "appréhension ou connaissance immédiate". Dans ce texte, "Immédiate" s'oppose à "médiatisé", terme défini comme appréhension ou connaissance qui dépend de l'intervention des méthodes formelles de l'analyse et de la preuve. L'intuition met donc en jeu l'acte de "saisie du sens" d'un problème ou d'une situation.

Les apprenants devraient alors être encouragés à deviner ; il est évident qu'un étudiant devrait recevoir quelque entraînement pour reconnaître la plausibilité des conjectures, car cela lui serait fort utile pour la future complexité du social dans lequel il sera plongé à l'âge de la vie adulte.
"Conformément à la théorie de la décision statistique, toute action appuyée sur des données imprécises peut revêtir la forme, soit d'une probabilité, soit d'un "coût". Ce que nous devrons probablement enseigner aux étudiants, c'est reconnaître si, dans tel cas, ne pas faire d'hypothèse "coûte" très cher, et si, dans tel autre cas, deviner par soi-même est "trop coûteux ". Or, une personne qui pense intuitivement peut souvent atteindre des solutions justes, mais elle peut aussi être dans l'erreur quand elle évalue ou quand d'autres évaluent pour elle.
Ainsi s'affirme la nécessaire imbrication de l'évaluation et du processus de pensée dans cette approche.

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2.2 - Sur le processus de l’éducation et sur l'évaluation
(III,2,1) et (IV)

Parler d'une nouvelle approche de l'évaluation en ce qui concerne l'acte éducatif implique la nécessaire redéfinition des différentes acceptions de la "valeur". Du radical "valere ", au sens latin d'être fort et puissant, à une hiérarchie universellement axiologique qui fonderait l'être humain, jusqu'à un jugement d'ordre qualitatif concernant un acte ou un agent, comment ces différentes connotations pourraient-elles être transposées dans "l'éduquer" ?
S'agirait-il en tant que logique de l'évaluation de rendre les parties prenantes du système éducatif plus performantes ? Ou encore d'une logique vérificatrice de ce que le modèle diffusé par l'institution dite de "transmissions des savoirs" reproduise véritablement celui de l'axiologie pertinente, c'est-à-dire le faisceau de valeurs concomitant à la société historiquement en vigueur ? Ou s’agirait-il encore d'une logique propre au système qui permettrait d'apprécier et de connoter positivement ou négativement les acteurs de "l'éduquer" en un sens institutionnel de valorisation ou dévalorisation de l'enseignant comme de l'enseigné ? Ou serait-ce encore une symbiose des trois ? Afin d'y répondre nous allons tenter de faire apparaître les concepts-clefs régissant l'évaluation.

Si l'on se réfère aux travaux de l'équipe de recherche en Sciences de l'éducation de l'université d'Aix-Marseille I sous la direction du Professeur BONNIOL, on peut détecter plusieurs axes de l'évaluation dans la "praxis " pédagogique, ceux-ci étant hiérarchisés selon diverses logiques : de l'évaluation-bilan à l'évaluation-régulation et de l'évaluation-régulation à l'évaluation formatrice.
En rapport étroit avec la psychologie de l'apprentissage et la psychologie cognitive, ces chercheurs visant le transfert d'apprentissage le plus "ouvert" pour le couple institutionnel "formateur-formé" se rangèrent sous la bannière de J. CARDINET en délaissant l'évaluation sommative —ne mesurant que les écarts entre l'objectif prédéterminé et les résultats obtenus— au profit d'un concept plus large : "car l'évaluation a mieux à faire qu'à mesurer l'écart ou l'erreur ; elle doit permettre de l'éviter, de l'analyser si elle a lieu, puis de la rectifier. Et la fois suivante,
d'opérer" .
Ainsi, le premier axe traditionnellement institutionnel de la quantification des résultats obtenus par les enseignés et de leur mise en rapport avec une programmation de performances instituées à l'origine par des "Bulletins officiels de l'éducation nationale " était rejeté. De même, l'objectif n'était plus entendu dans un sens restrictif "préétabli par avance" sous forme de "bonnes notes" ou de "réussites aux examens" pour les élèves, ou même de "bonne conscience" de l'enseignant ayant achevé le programme dans le temps imparti par l'institution ; de même et par voie corrélative, la logique de l'évaluation et de la formation ne pouvait plus prendre, ni l'allure d'un contrôle, ni celui d'un bilan. La catégorie de la quantité était définitivement abandonnée. Le concept d'"objectif" ne disparaissait pas mais il devenait finalisé, de l'ordre d'une potentialité visée :"polarisé, concrétisé, centré ; en ce sens, il impliquait un choix qui obligeait une hiérarchisation ou même parfois une exclusion" . La catégorie de la qualité était à l'honneur. Après cette analyse, il semblerait en définitive qu'il vaille mieux garder à l'aide du couple "procédures-processus" la première connotation du "valere ", à savoir rendre plus "riche en potentialités" sous l'éclairage du catégorème de la qualité. Car cette orientation ne s'intéresse aucunement ni à la diffusion "axiologique" du modèle de "faisceau de valeurs" historique, ni à une appréciation institutionnelle du couple enseignant-enseigné. Entraient alors en vigueur des "procédures" qui permettraient de l'obtenir et des "processus" irriguant de manière sous-jacente les procédures pour la fonder.

"L'évaluation formative est au cœur de l'enseignement... c'est une pédagogie interactive ou prise d'informations de ce qui est enseignement... Elle est pilotée par l'enseignant dont le seul problème est de déterminer la stratégie utilisée par l'élève, de comprendre sa démarche, de déceler l'origine de ses difficultés pour permettre de les corriger... l'autoévaluation de l'élève apportera des informations plus valides sur ses stratégies que des épreuves construites sur des examens et des tests" .
Quels sont les critères de réalisation d'une telle pédagogie des "savoir-faire" de l'élève ? Ils ne peuvent échapper au transfert d'apprentissage ou organisation d'une facilitation de ce transfert non spécifique, les enseignés se devant de construire de nouveaux algorithmes de résolution de problèmes nouveaux. "Le critère de ce transfert d'apprentis-sage pour les apprenants étant dans la logique d'évaluation-régulation : régulation des stratégies d'apprentissage, c'est-à-dire décentration, abstraction et généralisation afin de régir les tâches scolaires, mais aussi discrimination et relativisation des produits lors des évaluations" .
Néanmoins, ce savoir-faire de l'élève ne pourra jamais se construire seul. Il devra être sous-tendu par une régulation des dispositifs d'apprentissage des enseignants, à condition qu'une communication interactive de ces deux parties prenantes du couple éducatif soit postulée. L'évaluation a à tout jamais perdu son qualificatif de "mesure" pour se ranger sous celui de "compréhension". Ce "prendre-avec" du formateur est appréhension du savoir-faire de l'élève et, tout en même temps, le comprendre du formé est assimilation des stratégies d'intervention de l'enseignant. Tout ceci étant interagi en permanence jusqu'à ce que les procédures de réalisation de tâches de plus en plus difficiles soient parfaitement maîtrisées par l'apprenant, jusqu'à ce que l'appropriation des nouveaux algorithmes soit accomplie, c'est-à-dire comprise, assimilée.
L'évaluation formative, sous-tendue par le concept-clef d'organisation de procédures et stratégies de plus en plus difficiles dans l'interaction communicative du couple enseignant-enseigné, autorisait une progression dans la réalisation des tâches éducatives à accomplir, progression certes indéfinie, mais oubliait la dynamique du mouvement du "comprendre" ; seul le concept-clef de "processus" permettrait de s'en approcher. Il deviendrait donc le maître-mot de l'évaluation dite formatrice.
Il me semble que pour mieux entendre ce concept de "processus", seule la description de l'analyse du mouvement dans la Métaphysique d'Aristote nous permettrait de le définir au plus près. Toute la force de ce vocable est illuminée par l'idée du passage de la puissance à l'acte : des sèves potentielles, germes de construction dynamique, aux réalisations achevées. L'énergie est partout : dans l'explosion de l'originaire, dans le vecteur de propagation de ces potentialités, dans leur puissance de diffusion, mais aussi dans la maximisation de leur réalité. Toute la complexité du vivant se retrouve dans les concepts "d'entelecheia " et "d'energeia ". L'entéléchie est l'actualisation de la chose, son expansion vers la forme, et elle retient encore les éléments de la puissance dont elle sera l'achèvement. C'est seulement en ce sens qu'elle est le mouvement ou processus :
"Le mouvement ne peut avoir d'autre acte que de se développer comme puissance… Il est un passage entre deux extrêmes et parce qu'il est continu, il enveloppe l'infini " . De cette citation résulte que le processus est énergie : "Il est la perfection de la puissance en tant que puissance ; puissance alors signifie évidemment … indétermination, multiplicité et s'apparente avec la puissance qui est le propre de l'infini " .
Or, comment parvenir à mettre en œuvre chez l'enseigné le passage de la puissance à l'acte ?
De manière externe, le pédagogue peut certes introduire du désordre sans jamais être sûr que cela permette la mise en mouvement processuelle de l'élève. C'est un pari !…
Et, de manière interne, le pédagogue ne peut être l'autre, donc ne peut entrer dans son processus là où il en est pour l'appréhender, sauf sous forme de "regard psychanaly-tique"… Alors, un seul outil demeure : la confiance interactive avec des explicitations de chaque processus en marche, celui de l'apprenant et celui du formateur. D'où l'importance du concept de "représentations" de la psychologie sociale (ABRIC) et de celui de la "multiréférentialité" de J. ARDOINO. Sinon, comment serait-il encore possible de retranscrire une telle dynamique du processus dans toute sa violence à l'intérieur d'un système éducatif prenant soin d'éviter le composé pour le diviser en simples, système somme toute démantelé par la pensée analytique de DESCARTES ? LEIBNIZ nous avait déjà mis en garde contre cette fâcheuse tendance à la simplification dans ses Animadvertiones : "cette règle de DESCARTES est de peu d'utilité… en divisant en parties inappropriées, on peut accroître les difficultés" et J.L. LE MOIGNE dans La Théorie du système général préfère un précepte globalisant à un principe réductionniste, d'où sa formule : "La faillite du discours cartésien " .
Et quelle faillite ! Face à un problème concret, comment ne pas entendre la plainte permanente de certains praticiens pour lesquels une multitude de théoriciens ne seraient jamais en mesure de rendre compte… La puissance diverse et infinie du système vivant ne se résolvant jamais par la compréhension de la sommation d'objets parcellaires même construits scientifiquement. Les "Métiers impossibles" (IMBERT, 1994) que sont l’éducation et la médecine en sont les malheureux témoins.

Alors, seule la solution du tâtonnement expérimental demeurerait-elle viable pour élucider la logique processuelle de l'apprenant ? Le danger serait décuplé si l'objet d'étude se trouvait être l'enfant, citoyen de demain, bâtisseur de l'histoire de l'humanité. Faudrait-il attendre les réponses du psychologue généticien, du psychologue de l'apprentissage, du psychologue social, du sociologue, de l'historien, de l'économiste, du juriste, du philosophe et du politologue pour éduquer ? Si cela était, nous risquerions fort d'entrer dans un système apathique ayant pour devise le laxisme du "laisser faire et regarder " . Or, la morne contemplation serait loin de pouvoir forger la stratégie de l'imprévisible chez l'humain ; l'arrêt sur image nous menacerait de tous les dangers pour la Cité… . De plus, quel contresens conceptuel que d'essayer de saisir l'infinie complexité par du découpage expérimental !... Cela reviendrait à assimiler le parcellaire au complexe, l'indéfini à l'infini !…

Mais comment faire pour que le processus advienne ? Il tirerait son origine de plusieurs sources :
• il ne pourrait être sans interaction permanente avec les procédures.
• il dépendrait des représentations propres et internes du sujet ; donc, il faudrait que des situations sociales favorables lui aient permis de se "représenter" comme dynamique.
Selon J.J. BONNIOL, plus les évaluations formatives auront été pratiquées, plus elles autoriseront la mise en œuvre du processus en vue de l'auto-évaluation ou représentation active interne et finalisée du sujet. Mais ce n'est qu'une hypothèse ! Seul le sujet apprenant en interaction et régulation permanente avec le formateur décidera de s'engager intentionnellement dans le processus. Et le formateur demeurerait comme le non-croyant Pascalien dans la situation de "Mettez-vous à genoux, priez et vous croyerez".

En conclusion, certes des conditions de facilitations de mise en œuvre des procédures de compréhension, de permissivité de représentations plus valorisantes, peuvent être renvoyées par l'enseignant dans une multiréférentialité, mais elles ne diront jamais comment, méthodologiquement, pouvoir déclencher la dynamique du passage des potentialités de l'élève à leur actualisation. Elles ne seront que garanties de conditions de possibilité d'existence du processus !…

La négociation ou confrontation des référentiels du couple éducatif avec leurs valeurs sous-tendues explicitement permettrait l'approche d'une interface de communication et l'autorégulation des deux parties prenantes avec l'explicitation de leurs convergences et de leurs divergences. Cependant, si elle est une des meilleures garanties de dynamique éducative, elle n'est jamais la certitude de la mise en mouvement interne de l'apprenant pour la réalisation de son projet. Car là où je suis, l'autre n'est pas. Voilà comment se retranscrit la force du "dia " dans le vocable "dialogue ", à savoir passer à travers, annihiler la distance. Dans cette énergie du "dia ", la mise en œuvre du processus serait peut être facilitée…

Pour reprendre cela de manière synthétique, la structure, l'algorithme et les procédures seraient dépendants de la pensée de l'"indéfini" tandis que le spiralaire, l'intuition et le processus seraient éclairés par le seul concept d'"infini". Or, la distinction de ces deux concepts subordonne tous les autres pré-cités et est magistralement explicitée par SPINOZA : est dit "indéfini" ce que l'on est incapable de nombrer parce que "ses parties ne peuvent être représentées par aucun nombre" ; alors que l'infini en acte est partout présent dans les êtres, il est le même dans le tout et dans les parties, indivisible, éternel, indénombrable, car seul l’esprit analytique brise, dissocie et introduit fallacieusement l'idée de discontinuités dénombrables là où par nature "toute substance est nécessairement infinie" . Tenter de tenir ensemble cette opposition fondamentale "infini-indéfini" serait-il le coeur de tout processus d'éducation ?

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1) L'Harmattan, Coll. Ed. et Formation, Série Références, Paris, septembre 1994.
2) Cf. Sartre et son explicitation de l'intersubjectivité.
3) Bachelard, Le Nouvel Esprit Scientifique, Alcan, 1934.
4) Bachelard, La Formation de l'Esprit Scientifique, Contribution à une psychanalyse de la connaissance, Vrin, 1938.
5) Thom, Stabilité structurelle et morphogénèse, W.A. Benjamin Inc, Reading Massachussets.
6) Leibniz, La Monadologie, Delagrave, Paris, 1968.
7) Ardoino, in, par exemple, "Place et importance d'une dimension temporelle pour une épistémologie clinique " in "La Recherche en Education", Paris, Editions sociales françaises, 1974.
8) Cf. l'"Habilität" de Kant ou "La Dissertation de 1770", Koenigsberg. Commentaire de Paul Mouy. L'ouvrage que l'on appelle brièvement "la Dissertation de 1770" a été composé par Kant pour obtenir le rang de "professeur ordinaire" (c'est-à-dire "titulaire" de l'Université de Koenigsberg. Il a, pour qui veut connaître la pensée de Kant, un intérêt capital. Il est à la fois un point d'arrivée et un point de départ. Il clôture la période dite "pré-critique"
durant laquelle Kant, encore Leibnizien et Wolffien, se sent cependant assiégé de doutes qu'il a énoncés dans les opuscules de cette période. La "Dissertation" les présente en faisceaux et en prépare ainsi la résolution.
9) Image rappelée et commentée par J.L. Le Moigne dans sa lettre n° 18 de M.C.X. : "C'est E. Morin, je crois, qui le premier a su relire, il y a une quinzaine d'années, le chant XXIX des "Proverbes et Chansons" ("Proverbios y Cantares ") d'Antonio Machado, le grand poète espagnol que nos cultures européennes allaient déjà oublier, pour nous dire en un vers… la méthode de "La Méthode" : "Se hace camino al handar "… "Le chemin se construit en marchant". Ce beau vers évoque si justement le génie ("l'ingenium ") de la complexité de l'esprit humain connaissant pour faire et faisant pour connaître, qu'il s'infiltre peu à peu dans les cultures et les pratiques contemporaines de la Recherche et de l'Action. C'est en méditant cette devise que M. Genthon concluait, il y a peu, une de ses études en Sciences de l'éducation (publiée à l'Université de Provence, 1993) par cette invitation : "Chemin Faisant". La richesse de la formule nous a incités à la proposer en titre moins austère à la Lettre MCX… : Chemin Faisant."
10) Ferry, La Pratique du Travail en groupe, Dunod, Paris, 1970.
11) Cf. in Genthon, Rapport de Synthèse, la "recherche en éducation" signifie que l’éducation est le champ dans lequel s’inscrit la recherche", 1993, p. 90.
12) Bergson, La Dialectique de la durée, Boivin, 1936.
13) Cf Heidegger, Etre et Temps, trad. Martineau, Paris, Authentica 1985.
14) Cf Husserl, Leçons sur la conscience interne du temps.
15) Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement humain, rédigé en première approche en 1703, publié en 1765, cf. Ed Garnier Flammarion, Paris, 1966.
16) Cf. Husserl, "A chaque perception extérieure appartient un renvoi des côtés de l’objet qui sont réellement perçus aux côtés qui, ne l’étant pas encore, ne sont qu’anticipés sous forme d’attente dans un vide non intuitif, comme aspects à venir de la perception.
17) Cf. Husserl, Leçons sur la conscience interne du temps commenté par Bergson dans La dialectique de la durée et par Merleau-Ponty dans Phénoménologie de la perception.
18) Ardoino, "L'approche multiréférentielle en formation et en Sciences de l'éducation " in Pratiques et Analyses de Formation, Paris VIII, avril 1993.
19) Cf. expérimentation de Flowers, "l'effet oedipien de la prédiction".
20) Cf. "Pygmalion à l'école", Rosenthal et Jakobson.
21) Chance d'avoir approché et écouté au cours de mes études universitaires, les pensées des Anciens aux Modernes travaillées par des auteurs en philosophie tels G. Granel, G. Lebrun, G.G. Granger, L. Guillermit, M. Guéroult, P. Aubenque, J.T. Desanti, A.
Matheron, J. Beaufret, S. Lantieri, J. Deprun… ; Chance d'avoir pu assister à l'écriture en marche de la "Philosophie du Style" de G.G. Granger et de la "Théorie du Système Général" de J.L. Le Moigne ; Chance d'avoir pu être assise en cours auprès d'étudiants tels J.
Proust, P. Vermeren, J.C. Pompougnac, J.M. Besnier, D. Zay, B. Bouttes, S. Douaillier ; Chance d'avoir rencontré, au sortir de mes études de philosophie, des psychologues tels J.C. Abric, J.J. Bonniol, M. Genthon, des sociologues tels R. Duchac, M. Montuclar et R. Establet, des historiens tels P. Joutard, C. Mesliand et P.A. Février, des archéologues tels A. Salviat et C. Morel, des économistes tels P. Tabatoni et J.L. Le Moigne, des formateurs tels J. Leif et J. Hébrard.
22) Aix-en-Provence, Pierrelatte, Valence, Paris, Valence, Aix-en- Provence.
23) Faculté de Lettres, Faculté de Droit.
24) Aix-en-Provence.
25) Paris puis toute la France, à propos de la communication de l'image et du discours, C.E.D.E.L.
26) Aix-en-Provence, I.A.E.
27) Aix-en-Provence, Hôpital Montperrin ; Nantes, Hôpital Saint-Jacques.
28) Ecole de Cadres de Kinésithérapie de Paris.
29) D.I.I.S. Marseille.
30) Morin, février 1994, cf. Annexe (III.2.3)
31) Préparation Congrès A.F.I.R.S.E., Université Aix-Marseille I, Cf. tomes I et II :
-Juillet 1993 à octobre 1993, retranscription et rédaction de notes pour "Sur la notion de Praxéologie ", entretien J.L. Le Moigne, Tome I, A.F.I.R.S.E.
-Février 1994, entretien d'E. Morin avec J. Ardoino, retranscription "Praxéologie, Complexité et Education ", Tome II, Congrès A.F.I.R.S.E. 94, Université Aix-Marseille I.
32) S'éreintant 24 h sur 24 à l'époque… car il n'existait ni intendant, ni censeur, ni secrétariat même dans les C.E.G. de plus de 1 000 élèves ; voulant aussi, par dessus tout faire "réussir" les élèves placés sous sa responsabilité ; or, le passage entre le C.E.G. et le lycée était alors quasi impossible.
33) Cf. dernière pièce de théâtre écrite par SARTRE, Kean avec laquelle il prit la décision de ne plus écrire.
34) E. Morin, Pour sortir du XXème siècle, 1984, Seuil, Coll. Points, p. 265.
35) "La production de mythes et d’idéologies à fonction culturelle, sociale et politique tout comme simultanément la critique des mythes et des idéologies", E. Morin, Op. cit. note 34, p. 245.
36) Cf. notes 12 et 15 sur l'appropriation par Bergson du concept de"rétentions" de Leibniz.
37) C.R.E.F.E.D.
38) Maîtrise et D.E.A. de Phonétique Expérimentale et Fonctionnelle, 1978, 1979. Si j'avais opté pour une respécialisation en Phonétique plutôt qu'en linguistique, c'est que j'avais eu l'intuition de sa primauté pour la didactique des langues étrangères. La "musique d'une langue" (intonologie) est une approche pédagogique plus appropriée que les structures grammaticales comparatives des différentes langues (pour les étudiants de niveau avancé).
39) Pour la petite histoire, il serait important de rappeler "l'exclusion spatiale" et la pénurie de ce secteur : une toute petite pièce au fond d'un couloir du dernier étage dans un recoin composé d'un simple bureau et de deux chaises… Tout ceci afin de ne pas oublier l'investissement et le travail acharné de J.J. BONNIOL pour le développement actuel de son département. Entre 1981 et 1994, il n'y a que treize ans d'écart !…
40) Profil Psychologie en 1984.
41) Profil "Filières Professionnalisées" (*2)
42) D.E.A. de Théorie Juridique (*2)
43) - Licence B "Formation de Formateurs", Ecole de cadres de Kinésithérapeutes de Paris "Philosophie de la Formation" —SCF 361— (*,2)
- Licence B "Formation de Formateurs", Ecole de cadres Infirmier(e)s de Nantes "Philosophie de la Formation" —SCF 361— (*,2)
44) Valence, Aix-en-Provence.
45) R. Establet en Sociologie, C. Mesliand en Histoire, C. Peyron-Bonjan en Philosophie dans les Ecoles Normales d'Aix-en-Provence, de Marseille et d'Avignon.
46) Colloque "Le secret médical", Marseille, 1993 et formations pour les acteurs concernés par le Sida (médecins, infirmiers), Hôtel Dieu, Marseille, 1994-95.
47) "Pédagogie du civisme ", Conférence inaugurale de l’Université d'été de Marseille, août 1994 (Colloque Interministériel
48) Education Nationale et Intérieur). Cf. Annexe II, 5
49) Formation pour les Elections Législatives, 1993. Colloque "Evaluation Législative", avril 1994.
50) Séminaire de "Philosophie de la Formation" pour les assistantes sociales.
51) Ecole Normale, DEUG, DEUG FIS, Post DEUG.
52) Dans l’annexe I nous présentons un simple extrait de cet article, car l’essentiel en est repris dans "Première synthèse", p. 66 de cette note.
53) On parle de "Recherche en Education" lorsque l’éducation est l’implication du chercheur comme "thème de recherche" ; car ma recherche visera l’amélioration de l’éducation pour l’avenir de tout système éducatif (Cf. C, Vers une nouvelle heuristique, IIème
partie de cette note).
54) Voir note suivante et aussi R. Pagès dans l'article de l'Encyclopédia Universalis sur "Communication".
55) Cf. entretien sur "Praxéologie, Complexité et Education ", A.F.I.R.S.E., Tome II, Aix-en-Provence, mai 1994, pp. 155 à 161.
56) Cf. le "Curriculum-vitae ", voir dans ce texte (*1).
57) Cf. descriptif des Unités de Valeur (*2).
58) Cf. "concept-clef" de E. Morin.
59) Boutinet, Anthropologie du Projet, P.U.F., Paris, 1990, p. 33. Cf. Fichte : "A un niveau individuel, le projet est intégré dans une philosophie de l’effort associée à une philosophie de la liberté, le
but final de l’homme étant une communauté d’êtres libres".
60) Boutinet, Anthropologie du Projet, P.U.F., Paris, 1990, p. 33. Le projet est fait d’une action réciproque entre le moi et quelque chose d’extérieur à celui-ci. A un niveau relationnel, le projet apparaît toujours comme une interaction entre un sujet et un objet.
61) Enseignants, Infirmiers, Kinésithérapeutes, Assistantes sociales, Médecins, Avocats, Magistrats, Chefs d’entreprise, Députés futurs...
62) Cf. la métaphore de "l’île volcanique" de J.L. Le Moigne : "Sur les plages qui bordent la mer de l’empirie, le volcan en activité déverse en permanence par divers canaux le flux de la lave qui bouillonne en son cratère de “l’épistémè”, puis l’empirie irrigue “l’épistémè” et vice-versa indéfiniment…".
63) Cf. Russel "Human Knowledje" : "l'empirisme en tant que théorie de la connaissance s'est montré inadéquat, quoique moins inadéquat qu'aucune théorie antérieure".
64) Cf. J. Ardoino, "L'étude" au sens d'une visée au "service de l'action".

 


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